Maske

Certes, des masques élégants existent. A ce jour on ignore encore s'ils protègent vraiment du Sars-Cov-2  dans la vie quotidienne. | Photo: Vera Davidova/Unsplash

Le soulagement de nombreux et de nombreuses scientifiques et journalistes était perceptible quand le Conseil fédéral a ordonné le port obligatoire du masque dans les transports publics à partir du 6 juillet dernier. Mieux vaut tard que jamais, remarquaient la plupart des commentateurs. A ce moment, pourtant, il n’était toujours pas clairement établi que les masques hygiéniques empêchaient effectivement les infections par le nouveau coronavirus.

Bien sûr, les masques filtrent les particules et les gouttelettes de l’air. La question est de savoir si cela suffit à réduire les contaminations. Les comparaisons réalisées jusqu’à présent entre les groupes qui portent des masques et ceux qui n’en portent pas montrent de manière assez consistante que les porteurs sont moins souvent contaminés. Mais ces études dites d’observation ont un défaut: les personnes qui portent volontairement un masque dans leur vie quotidienne sans y être obligées ne fonctionnent pas comme le reste de la population. Il est probable qu’elles sont plus prudentes, sont plus aisées et vivent dans un environnement plus sûr que la plupart des autres.

6 février
«Nous n’avons pas trouvé de preuve que les masques de type chirurgical sont e!caces pour réduire la transmission des grippes con#rmées en laboratoire.»Xiao et al.

Si on veut exclure d’autres facteurs que le port du masque pour expliquer les différences des taux d’infections, il faut décider au hasard quelles personnes feront partie de quel groupe. Mais ces études dites randomisées et contrôlées sont difficiles à réaliser, particulièrement en dehors des hôpitaux. Pourtant, la question intéressante pour le nouveau coronavirus est précisément celle-ci: est-ce que les citoyens normaux moyennement disciplinés s’infectent moins s’ils portent un masque dans leur vie quotidienne? Les rares études existant sur ce sujet concernent le virus de la grippe. Pour cela, on a par exemple prescrit aux membres des familles d’enfants infectés de porter des masques. Après avoir effectué une analyse systématique des études de ce genre de haute qualité, des chercheurs de Hong Kong ont indiqué le 6 février 2020 n’avoir constaté qu’un faible effet sans signification d’un point de vue statistique. Il doit y avoir quelque chose dans les situations quotidiennes qui neutralise l’utilité évidente du filtrage. Peut-être que les gens qui portent un masque respectent moins les distances ou se touchent plus souvent le visage.

27 février
«Les masques sont inutiles pour la large population.»Daniel Koch, délégué de l’OFSP au Covid-19

C’était à peu près l’état des connaissances de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) au début de la pandémie. A côté des doutes sur l’efficacité des masques dans la vie quotidienne, les responsables devaient aussi tenir compte de leur disponibilité, des coûts, de l’attitude et des compétences de la population.

9 avril
«C’est comme sauter d’un avion en parachute. Nous devons agir sans attendre de preuves venant d’essais randomisés et contrôlés.»Trisha Greenhalgh et al.

D’autres études ont été publiées, mais aucune n’était randomisée et contrôlée, et peu concernaient le nouveau coronavirus. Pourtant, la position des chercheuses et des chercheurs a évolué au cours de la pandémie. En définitive, aucune étude n’a montré que le port du masque est néfaste, par exemple parce qu’il inciterait à ne plus respecter les distances. Donc, pour être sûr, il vaut mieux le porter, même si ça ne sert probablement à rien. Ce principe de précaution a gagné des partisans, entre autres avec une analyse publiée le 13 mars 2020 par des chercheurs britanniques. Toutefois, l’OFSP recommandait déjà le port du masque sur ses affiches de prévention avant cette analyse – en fait à partir du moment où le pays a enfin disposé de suffisamment de masques. Entre-temps, l’OMS a lancé une étude de synthèse, cette fois consacrée uniquement aux coronavirus. Ses résultats ont été publiés le 1er juin 2020, date à laquelle on ne disposait toujours que d’études d’observation: 26 au total, dont trois seulement concernaient le quotidien – réalisées en 2002 pendant l’épidémie de SRAS qui s’est faiblement propagée en comparaison. Deux autres études en cours, randomisées et contrôlées, n’étaient pas encore achevées. Néanmoins, les auteurs ont plaidé en faveur du port général des masques et l’OMS a adapté sa recommandation. La Swiss National COVID-19 Science Task Force s’y est également référée pour les siennes.

23 juin
«Quand viendra l’obligation du port du masque dans les transports publics en Suisse?»L’épidémiologiste Christian Althaus sur Twitter

Mais vers la mi-juin, le nombre d’infections annoncées est reparti à la hausse et les scientifiques ont commencé à faire pression avec des posts émotionnels sur Twitter. Le hashtag #TeamMask s’est répandu. Le Conseil fédéral a réagi et a introduit le port du masque obligatoire dans les transports publics le 6 juillet. Cela bien que pendant tout ce temps il n’y eut que peu de changements au niveau des faits scientifiques concernant l’efficacité du port du masque au quotidien contre les coronavirus.

1er juillet
«Avec le masque, nous nous protégeons nous-même et nos semblables.»Simonetta Sommaruga