Il s’agit bien d’un autoportrait de Frida Kahlo. Mais d’une version étrange. L’artiste valaisan Jonas Wyssen a soumis quelques chefs d’œuvre aux algorithmes de l’IA, respectivement à son code d’entrée sophistiqué pour les algorithmes de l’IA.| Photo: Jonas Wyssen

Intelligence artificielle, apprentissage automatique, réseaux neuronaux – ou quel que soit le nom qu’on veut leur donner – ces programmes de pointe modifient énormément les possi­bilités ­d’acquérir des connaissances. D’abord, parce qu’ils peuvent parcourir et analyser des quantités bien plus importantes de données en bien moins de temps, par exemple pour établir des prédictions. Ainsi, ils appor­tent à la science exactement ce qu’elle a reçu des nombreux grands progrès techniques de la société, tels l’électricité ou l’internet, qui imprègnent tout: l’IA peut traiter plus vite encore davantage d’informations.

«L’inquiétude autour de l’IA touche à la position des humains dans la hiérarchie des existences.»

Certaines déploreront que cette évolution s’inscrive parfaitement dans la logique capitaliste. Ou bien, sceptiques, elles se référeront au vieux précepte de philosophie des sciences voulant que chaque réponse suscite de nouvelles questions. D’autres encore y verront peut-être la fin du genre humain, ou du moins de son humanité. Mais que l’on voie ces pro-grammes comme une menace maximale ou comme des messagers modernes du salut, la question reste la même: pourquoi dérangent-ils autant? On en revient ainsi vite à Galilée, soit à un vieux conflit. Sa découverte a bouleversé la ­vision du monde: le Soleil ne tourne pas autour de la Terre. Non, c’est le contraire. Donc, l’être humain n’est pas le centre de l’Univers. Un phénomène similaire se produit avec l’intelligence qui n’est plus réservée à l’être humain. Non, la machine pourrait aussi être intelligente. Donc, l’être humain n’est pas le seul à savoir. L’inquiétude autour de l’IA touche à la position des humains dans la hiérarchie des existences. Une place que l’électricité et internet n’avaient pas remise en question.

Bien sûr, la recherche est particulièrement concernée lorsque l’être humain n’est pas seul à être intelligent. Et, bien sûr, elle doit intégrer dans son travail tout ce qui peut mener à une meilleure compréhension et donc à plus de savoir. C’est pourquoi l’IA n’imprègne pas seulement la société, mais est aussi fondamentale pour le dévelop­pement de la science, tout comme d’autres instruments typiques de la recherche tel le microscope. Je conseillerais de garder son calme: l’être humain et l’instrument sont ­indissociables depuis la hache en pierre.