Claudia Meier*, 52 ans, est l’une des premières patientes en Suisse à avoir bénéficié d’une stimulation cérébrale profonde pour soigner une dépression. Sa chienne l’aide à retrouver le chemin vers la vie. | Photo: Ulrike Meutzner

«La stimulation cérébrale profonde n’est pas une démarche audacieuse quand on sait ce qu’il y avait avant. Je souffre de dépression depuis l’âge de 6 ans. Quand j’en avais 13, j’ai été hospitalisée pour anorexie. Adulte, l’alcoolisme est venu s’ajouter au tableau. En une décennie, j’ai connu une douzaine d’hôpitaux. J’ai suivi un nombre incalculable de psychothérapies, j’ai fait de la poterie, du tricot, bien que je déteste cela. On m’a donné sans cesse de nouveaux médicaments, qui n’avaient pas l’effet espéré. Un jour, après avoir tout essayé, je me suis rendue dans une clinique où j’ai subi 63 électrochocs. La dose normale est de 15. Que pouvais-je faire d’autre? J’avais épuisé toutes les options, j’étais toujours dépressive chronique et, pire encore, suicidaire, ayant tenté plusieurs fois de mettre fin à mes jours.

Avec le courage du désespoir, je me suis lancée dans des recherches sur Internet et j’ai découvert la stimulation cérébrale profonde. Je me souviens que lors du premier entretien avec le neurologue, il m’a dit qu’il fallait être gravement malade pour pouvoir en bénéficier. Et que c’était difficile, notamment en raison de la caisse maladie. L’intervention coûte près de 250 000 francs.

«On ne sent rien dans le cerveau. Mais c’est tout de même étrange que quelqu’un soit en train d’y faire un trou.»

Avant l’opération, j’avais très peur que l’un des trois professeurs impliqués renonce. On m’a d’abord posé ce cadre stéréotaxique sur la tête, qui permet aux chirurgiens de travailler avec une extrême précision. Le dispositif est vraiment très lourd. Après sept heures d’intervention, durant lesquelles j’étais tout à fait consciente, j’ai pensé: «Peu importe, mais retirez ce cadre.» On ne sent rien dans le cerveau. Mais c’est tout de même étrange que quelqu’un soit en train d’y faire un trou. On entend tout. Vers la moitié de l’intervention, ils ont voulu tester le dispositif de stimulation électrique. Ils ont augmenté la dose progressivement. Soudain, à 10 milliampères, j’ai souri. Je ne peux pas décrire ce sentiment, mais après tant d’années, j’avais produit un vrai sourire! Toute l’équipe dans la salle d’opération était euphorique.

Ensuite, ce fut une période étrange: vais-je bien ou mal? Et il y a eu un incident: ma neurologue s’est absentée et c’est son chef qui s’est chargé de contrôler les réglages. Deux jours après, je faisais une rechute massive. Pour lui, les hauts et les bas étaient normaux. Mais à son retour, ma neurologue a constaté que la stimulation n’avait pas été réglée correctement.

«Peut-être que la stimulation cérébrale profonde prépare le terrain à d’autres améliorations.»

Malheureusement, l’amélioration s’est fait attendre. Désespérée, je me suis rendue chez Exit. Quand il a fallu choisir une date, quelque chose a changé en moi. Je ne supportais pas l’idée de devoir prendre consciemment congé de centaines de personnes. Dès lors, j’ai commencé à faire des progrès modestes mais encourageants. J’ai pris un appartement, j’ai recommencé la noradrénaline et cette fois, l’effet était au rendez-vous. J’ai ressenti le besoin d’avoir de nouveau un chien. Avec mon teckel, beaucoup de choses ont changé. Je ne dirais pas que si je vais mieux, c’est uniquement grâce à la stimulation cérébrale profonde. Mais peut-être qu’elle prépare le terrain à d’autres améliorations.

La recharge de la pile du dispositif implanté devant, en dessous de mon épaule, prend environ quarante-cinq minutes. Je l’effectue le matin. Une fois, j’ai souffert d’une hernie discale et ai dû passer une IRM. Il a fallu éteindre le stimulateur. Après quelques secondes déjà, j’étais dans un état très bizarre. Comme si je n’avais plus les pieds sur terre. Je ne sais pas où classer cette sensation. La stimulation cérébrale profonde est installée pour le reste de mes jours. Parfois, je me demande quand même s’il y aura toujours des gens capables de m’aider avec cela à l’Hôpital de l’Ile.

«Le dispositif est installé pour le reste de mes jours. Parfois, je me demande quand même s’il y aura toujours des gens capables de m’aider avec cela.»

J’ai un effet secondaire rigolo. Quand je me retrouve dans des situations très émotionnelles, les larmes me montent immédiatement aux yeux. Comme récemment, quand j’ai observé un enfant en fauteuil roulant à qui un adulte caressait la tête. Cela ne m’arrivait jamais avant! Comme si j’étais enceinte jusqu’aux yeux! Mais c’est beau de pouvoir ressentir quelque chose.»

* Nom changé et connu de la rédaction.