La manière dont les données médicales doivent être traitées est source de controverses et de perplexité.| Photo: David McCandless et Fabio Bergamaschi, Adaptation: Oculus Illustration

Ils constituent une opposition décisive de notre époque: l’individu et le collectif. Depuis la pandémie de Covid-19, la controverse pour déterminer lequel de ces concepts l’emporte moralement est particulièrement passionnée. Les partisanes et partisans d’un camp veulent pouvoir réagir le plus possible de façon individuelle à chaque circonstance. Et celles et ceux du camp opposé aimeraient déterminer le plus possible pour l’ensemble de la société la manière de réagir à une situation difficile.

La tension entre l’individu et la collectivité s’accentue tout particulièrement quand il y va des questions de santé. Notre dossier sur l’utilisation des données dans le domaine médical le montre clairement. Et lorsqu’on y regarde de très près, le conflit se manifeste par exemple dans la protection des données: le droit de l’individu à la sphère privée coexiste avec les efforts de la science pour obtenir le plus de données possible afin de développer la prévention et les thérapies pour les maladies courantes.

«Paradoxalement, la collecte et l’exploitation de données standardisées pour une collectivité font aussi avancer l’individualisation dans la médecine.»

Paradoxalement, la collecte et l’exploitation de données standardisées pour une collectivité font aussi avancer l’individualisation dans la médecine. De nombreuses connaissances de la médecine dite personnalisée reposent sur des données collectées à grande échelle. Les patientes et les patients sont traités selon le principe que chaque personne malade réclame une thérapie adaptée à ses besoins. La médecine personnalisée est une sorte d’évolution logique de la médecine individuelle qui a triomphé aux Etats-Unis et en Europe après 1945. A l’époque, comme aujourd’hui, la confiance dans le fait que ce nouveau type de médecine pourrait traiter presque toutes les maladies était grande. Mais la santé publique, la santé de l’ensemble de la population, nécessite, elle aussi, un standard dans le traitement des données afin de pouvoir s’améliorer.

«Ni l’individu, ni la collectivité peut moralement prendre le dessus, quel que soit le temps que nous passerons à nous disputer.»

L’individu et la collectivité ont donc, l’un comme l’autre, besoin des données d’un très grand nombre de personnes, de décisions individuelles et collectives au sujet de l’utilisation de ces données. En matière de santé, ce couple antagoniste dépend ainsi on ne peut plus l’un de l’autre. Et leurs liens sont si étroits qu’aucun ne peut moralement prendre le dessus, quel que soit le temps que nous passerons à nous disputer.