Cette vision pourrait inquiéter les amoureux d’une Nature pure et vierge: des robots qui trompent des animaux, se font passer pour leurs congénères et influencent leur comportement. Mais ce type de mission au cœur d’un groupe peut contribuer à mieux comprendre le comportement d’une espèce, selon Francesco Mondada de l’EPFL. Pour l’expert en intelligence artificielle et robotique, on pourrait même imaginer que de telles machines puissent aider les animaux, par exemple en empêchant les abeilles de se rendre dans des champs traités avec des pesticides.

Des petits véhicules imprégnés de phéromones attirent les cafards.

CANCRELATS
Le nouvel irrésistible parfum Cafard

Laboratoires: Université libre de Bruxelles / ETH Zurich / EPFL

Dimensions: 4,1 × 3,0 × 1,9 cm (L × p × h)

Ruse: les cafards ne sont pas attirés par l’apparence de leurs semblables mais par leur odeur. Les scientifiques ont créé un parfum de cancrelat à partir de phéromones. Ils ont versé ce cocktail sur du papier-filtre attaché à des robots qui ressemblent davantage à une petite voiture qu’à un insecte. Leur odeur et leurs mouvements suffisent à tromper les cafards au point qu’ils les traitent comme leurs propres congénères.

Mission: les cancrelats aiment l’obscurité et se cachent de préférence dans des interstices. Les robots ont au contraire été programmés pour choisir, entre deux cachettes, la plus claire. Résultat: les cafards les ont imités. Publiée dans la revue Science en 2007, cette expérience a été la première à montrer que des robots peuvent être acceptés par des animaux comme des congénères et même influencer leur comportement.

Il ne ressemble guère à une poule, mais ce robot est accepté comme mère par les poussins.

POUSSINS
Une maman poule sur roues

Laboratoires: EPFL / Université libre de Bruxelles

Robot: 18,7 × 32,5 cm (D × h)

Ruse: une demi-journée après être sortis de leur coquille, les poussins commencent à identifier leur mère et leur fratrie. Cette phase de quelques heures peut être exploitée pour que les poussins s’attachent à un robot: un appareil en forme de cylindre qui va et vient devant eux, pépie et se pare de différentes couleurs.

Mission: les poussins se fixent totalement sur le robot poule. Ils se regroupent autour de lui lorsqu’il s’arrête et le suivent dans ses mouvements. Des expériences comparatives ont montré qu’ils suivent de plus près les robots ayant les couleurs ou la forme de ceux auxquels ils se sont habitués durant la phase d’attachement. Pour les scientifiques, les élevages pourraient utiliser à l’avenir de tels robots pour inciter les poules pondeuses à bouger davantage et à aller explorer les enclos extérieurs.

Un poisson en plastique détermine la direction prise par le banc.

POISSONS-ZÈBRES
Suivez le leurre en plastique!

Laboratoires: EPFL / Université Paris Diderot / Université de Graz

Robot: 4,5 × 0,5 × 1 cm (L × p × h)

Ruse: pour faire croire aux poissons-zèbres qu’ils ont affaire à un congénère, les scientifiques ont employé un poisson leurre en plastique souple semblable aux appâts des pêcheurs. Ils l’ont fixé sur un socle aimanté et contrôlé par un robot placé sous l’aquarium. Les poissons acceptent le robot dans leur banc et suivent ses mouvements.

Mission: le comportement d’un seul poisson peut inciter le banc entier à changer de direction. Les scientifiques ont fait tourner le leurre dans une direction et les vrais poissons-zèbres l’ont suivi la plupart du temps. D’autres expériences étudieront les facteurs qui influencent le comportement complexe d’un banc de poissons.

Lorsque les abeilles parlent aux poissons
Une ruche et le lit d’un ruisseau: deux mondes qui ne se rencontrent pas dans la nature. Une équipe internationale a pourtant réussi à faire communiquer abeilles et poissons-zèbres, en passant par des robots. Dans cette expérience, des poissons guidés par un leurre robotisé tournaient en rond dans un aquarium circulaire à Lausanne (voir «Un leurre en plastique» ci-dessus). Dans un bocal situé en Autriche, deux robots gardaient de jeunes abeilles à proximité en dégageant de la chaleur à différentes intensités. Les robots éloignés de 680 kilomètres échangeaient leurs informations en temps réel par Internet. Les deux espèces ont alors commencé à coordonner leurs comportements. Par exemple, lorsque l’un des deux robots en Autriche constatait que la majorité des abeilles s’était réunie autour de lui, il en informait le robot poisson. Celui-ci commençait alors à nager dans le sens des aiguilles d’une montre, ce qui influençait le banc entier.

Illustrations: Anja Giger