La peur a beau être souvent fantasmée, elle peut devenir une constante dans le quotidien d'un environnement de travail toxique.  | Image: Fred Merz

J’ai dû récemment me décider entre deux appartements. L’un était plutôt petit, fraîchement rénové et offrait une large vue sur l’un des plus beaux endroits de la ville. L’autre était vaste, comptait une pièce de plus pour un prix quasi identique, avait une disposition originale ainsi qu’une cuisine ouverte.

J’ai commencé par dresser dans ma tête une liste des points positifs et négatifs pour chacun des deux. Mais ces arguments ne m’ont pas menée loin. Combien de fois se trompe-t-on soi-même en privilégiant les éléments défavorables que notre coeur met en avant? Finalement, j’ai fait une pause, fermé les yeux et j’ai cherché à m’imaginer dans l’un et l’autre des appartements. Comment est-ce que je m’y sentais? Et, subitement, tout s’est clarifié. Je savais parfaitement où je déménagerai. J’ai choisi le petit. Il me donnait un sentiment de sécurité et de liberté. Dans l’autre, je me sentais à la fois perdue et oppressée.

Sans émotions, nous n’arrivons pas à nous décider. La psychologie cognitive a établi ce fait déjà dans les années soixante, mais l’économie l’a longtemps ignoré. Pour elle, l’humain se réduisait à homo oeconomicus, ne suivant qu’un seul objectif: la maximalisation de l’utilité. L’économie comportementale a proposé un regard neuf. Elle part notamment de l’idée que nous décidons en fonction de nos sentiments. En 2002, le Prix Nobel d’économie fut décerné à l’un de ses fondateurs, Daniel Kahneman.

Aujourd’hui, les émotions font l’objet d’intenses études dans les disciplines scientifiques les plus diverses. Mais elles jouent également un rôle important dans le travail mené dans les laboratoires, les instituts et les archives. Un scientifique, même passionné, risquera de prendre la fuite s’ils doit gérer une pression concurrentielle malsaine ou subir du harcèlement. Il pourrait refuser un poste attrayant s’il sent que quelque chose ne tourne pas rond dans un département pourtant convoité. Les émotions peuvent exercer une influence décisive sur les carrières dans la recherche. L’homo scientificus purement rationnel n’existe pas davantage que l’homo oeconomicus. En dépit d’un environnement compétitif, les hautes écoles doivent faire tout leur possible pour assurer un climat de travail sain et respectueux.