«Il faut éviter bien des pièges si l’on veut comprendre le vécu lié au sujet de recherche à l’aune de l’exigence d’objectivité», dit Judith Hochstrasser, codirectrice de la rédaction d'Horizons. | Photo: Angelika Annen, Styling / Hair & Make-up: Amanda Brooke, Model: Iva/Option Model Agency

Pour ce numéro, nous sommes partis à la recherche d’hommes et de femmes de science personnellement concernées par leur objet d’étude. C’est le cas notamment d’une chercheuse en sciences de l’éducation qui a une histoire familiale algérienne: elle étudie le racisme anti-musulman qu’elle a elle-même vécu dans sa chair. Quatre autres scientifiques et elle évoquent ouvertement leur rapport à cette confluence, à partir de la page 16. Initialement, nous nous étions tournés vers d’autres personnes dont les travaux actuels portent sur des expériences difficiles de leur vie. Certaines réponses étaient pleines de ­reproches. En résumé: la rédaction d’Horizons serait implicitement partie du principe que la recherche est moins objective dans le Sud global. Celle-ci stigmatiserait des individus déjà discriminés par la société.

Parmi toutes nos demandes d’interview, une seule concernait une personne originaire du Sud global et qui y fait de la recherche – elle faisait dès lors office d’exception. L’hypothèse selon laquelle nous soupçonnions en particulier les scientifiques de cette région de partialité a donc rapidement été réfutée. En revanche, nous avons bel et bien présupposé que la question de la distanciation professionnelle et des partis pris inconscients occupe intensément quiconque étudie des groupes discriminés et en fait partie. Pour nous, il s’agit d’un atout. Les réactions le montrent: il faut éviter bien des pièges si l’on veut comprendre le vécu lié au sujet de recherche à l’aune de l’exigence d’objectivité. Cela commence par la notion d’implication, telle qu’expliquée par l’historien Tobias Urech en page 18. Et cela continue avec l’objectivité tant évoquée, mais plurielle, comme l’enseigne le philosophe Jan Sprenger en page 24.

«Nos propres partis pris influencent notre jugement sur la recherche.»

Le public accorde d’ailleurs un crédit particulier aux recherches teintées d’une touche personnelle lorsqu’il approuve fondamentalement le sujet, comme on peut le lire en page 22. Il se méfie par contre davantage lorsque les résultats diffèrent de ses propres convictions. En bref: nos propres partis pris influencent notre jugement sur la recherche. Quoi qu’il en soit, une compétence clé de la science contribue heureusement à en venir à bout: la réflexion transparente.