1 — Vérification des directives et de l’intégrité

Quand un groupe de recherche soumet un article à la revue Swiss Medical Weekly (SMW), on vérifie notamment d’abord si les directives s’appliquant aux auteures et les principes éthiques de la publication ont été respectés. Par exemple, celui qui n’a fourni que les moyens financiers doit uniquement être mentionné dans les remerciements. Les rédactrices responsables procèdent ensuite à un premier contrôle de tous les articles soumis. Puis un logiciel s’assure qu’il n’y a pas eu de plagiat. Les soumissions clairement inappropriées sont directement rejetées à ce stade – en cas de doute, toujours après consultation de la rédaction en chef. Managing editor, Natalie Marty explique que les textes qui ne passent pas ce premier examen, soit près de la moitié des articles examinés, sont très rarement suisses. «Malheureusement, on nous soumet de nombreux articles de ce type, sans doute aussi parce que le SMW ne demande pas de frais de publication aux auteurs.»

Taux de refus variables
A titre de comparaison, la revue sans but lucratif E-Life consacrée aux sciences de la vie refuse environ 70% des articles après le premier contrôle, alors que la maison d’édition lausannoise Frontiers n’en refuse qu’environ 35%. Toutes deux sont, comme SMW, des publications en libre accès, dont les articles les articles peuvent être lus gratuitement. Les critères du premier filtre de nombreuses revues sont similaires. Mais certaines en rajoutent, telle Nature, bien plus axée sur le public, où de nombreux articles sont payants. Selon son site Internet, le contrôle initial porte aussi sur les aspects suivants: «Les résultats paraissent inédits et stupéfiants et le travail décrit produit des effets immédiats et étendus.»

2 — Examen des méthodes

Si l’article a passé le premier filtre, SMW le soumet depuis 2022 à un contrôle méthodologique. Ce travail est entièrement rémunéré et payé par le journal, grâce au soutien de la Fondation Leenaards. Ensuite, les rédactrices universitaires internes décident de la nécessité de soumettre l’article à une révision externe. Environ un tiers des articles est encore refusé après le contrôle des méthodes. Certains rapports d’études de cas ne sont par exemple pas publiés et les articles basés sur des sondages ne le sont qu’à certaines conditions. Ils peuvent en revanche être imprimés à titre facultatif sur la nouvelle plateforme de pré-impression de SMW ou être soumis à une autre revue. Les articles dont le contenu relève davantage du journalisme peuvent apparaître sur le site de la revue, en tant que blogs, appelés op-eds.

Jan Roth, consulting managing editor, indique que SMW publie entre autres des études randomisées et contrôlées et des études de cohorte de grande qualité. Les maisons d’édition spécialisées ne passent pas toutes par cette étape supplémentaire: Frontiers par exemple laisse généralement aux réviseuses externes le soin de la validation des méthodes.

3 — Evaluation par les pairs

Les travaux de recherche qui répondent aux directives de la revue vont maintenant au cœur du processus: la revue externe par les pairs. SMW commande au moins deux évaluations. Les rédacteurs universitaires sélectionnent les expertes adéquates. La revue s’appuie sur trois piliers, comme l'explique Gérard Waeber, corédacteur en chef: «SMW a d'une part son propre pool de plusieurs milliers de réviseuses et de réviseurs. D’autre part, les rédactrices internes proposent des spécialistes de leur domaine. En troisième lieu, nous recherchons parfois aussi de nouveaux experts dans la base de données Med-Line, par exemple en fonction de leurs publications.» Les auteurs ne connaissent pas le nom des évaluateurs externes. Parfois, ils sont priés de proposer eux-mêmes plusieurs réviseurs. Cela peut sembler un peu délicat, mais le corédacteur en chef Adriano Aguzzi explique ce choix: «Les copains ne sont de loin pas toujours les réviseurs les plus bienveillants. Selon mon expérience, c’est même souvent le contraire.»

Pourquoi d'ailleurs une chercheuse révise-t-elle un article alors qu'elle n'y gagne rien? Adriano Aguzzi est convaincu que la source de sa motivation est la qualité d’un article. Raison pour laquelle cette est décisive pour que s’effectue une révision. «L’objectif devrait être que 70% des articles puissent être publiés après la révision, éventuellement après avoir été retravaillés», note le corédacteur en chef.

Le rédacteur universitaire interne compétent de SMW décide alors seul, sur la base de l’expertise, de publier l’article sans révision supplémentaire – ce qui est très rare, selon Natalie Marty –, ou de demander des modifications ou encore de le refuser. SMW ne refuse en effet seulement environ 14% des articles à ce stade. Les décisions rédactionnelles ont une composante subjective, concède Adriano Aguzzi. Pour lui, il est par exemple essentiel que le résumé de l’article soit étayé par les données présentées.

Open peer review
Le journal E-Life teste un modèle diamétralement différent pour ce filtre principal. Il n’examine que les articles déjà publiés sur une plateforme de pré-impression. Les révisions sont publiées. Arriver à ce stade du contrôle ne dépend plus, comme par le passé, des critères de publication de la revue, mais seulement de la question de savoir si cette dernière peut mettre à disposition l’expertise qui convient. Un article ne peut plus être refusé après avoir été révisé.

C'est donc à la communauté d'évaluer l'article et les révisions correspondantes.. L’auteure peut toutefois encore le retravailler et renvoyer la révision aux rédacteurs d’E-Life. Le cas échéant, l’article est publié à nouveau sur la même plateforme à titre de «version of record». Le service des médias d'E-Life annonce que jusqu'ici le nombre d’articles qui lui sont soumis est resté le même avec ce nouveau modèle d’évaluation qu'avec le traditionnel.

4 — Et on recommence

Quand un article a été retravaillé, SMW le soumet une fois de plus au même processus, du moins en partie. Selon le motif des changements souhaités, la révision méthodologique et/ou externe est répétée. La rédactrice universitaire interne compétente décide ensuite de la nécessité de remanier encore une fois l’article ou de le publier. Un refus est aussi toujours possible à ce stade. Cela ne concerne toutefois qu’environ 2% des cas.

6 — Bibliothèques garantes de la qualité

Les abonnements des bibliothèques des universités et des hautes écoles, des cliniques et des particuliers peuvent être considérés comme une sorte de filtre ultime pour l’ensemble de la revue. Avant les efforts en matière de libre accès, ils coûtaient parfois plusieurs centaines, voire milliers de francs. Ils étaient donc sélectionnés avec le plus grand soin. «Le modèle garantissait automatiquement la qualité», estime Adriano Aguzzi. Leur suppression a été un acte de naïveté. Les nouveaux modèles, dans lesquels ce sont les auteures qui paient pour être publiées, menacent la qualité. En décidant de faire figurer, ou non, un article sur leur liste, les bibliothèques disposent toutefois encore d’un levier. Car la qualité est également importante pour leur réputation.