L'évaluation est essentielle dans la recherche. Mais l'objet de la soif humaine de tout évaluer peut même être un chien. | Photo: Anthony Gerace, Keystone, Getty Images

Imaginons une évaluation par les pairs: des douzaines de spécialistes lisent attentivement un article soumis à une revue scientifique. Chacun remplit une grille prédéfinie de critères. Ces grilles sont comparées, les points positifs et négatifs sont comptés et, finalement, on consigne ce qui manque dans l'article, ce qui doit encore être modifié ou pourquoi il est refusé. La décision résulte d’une analyse quantitative. Voilà à quoi pourrait ressembler un peer review basé sur des critères scientifiques. Or, en réalité, les choses se passent bien autrement: la publication d’un article dans une revue spécialisée dépend d’évaluations individuelles. La plupart du temps, un article soumis n’est pas évalué par plus de deux scientifiques, et chacun y travaille de son côté. Sur la base des commentaires de ces deux personnes, un rédacteur de la revue spécialisée décide ensuite, seul, de le publier ou non.

«On peut constater en toute sérénité que le principe de subjectivité est nécessaire, car, malgré ses défauts, il n’en existe simplement pas de meilleur.»

Les preuves scientifiques doivent être aussi statistiquement significatives et aussi impartiales que possible. Il est étonnant de constater que le système scientifique, qui produit et analyse justement des données en masse dans ce but, ne pourrait pas fonctionner correctement sans subjectivité. Bien sûr, il existe des tentatives de la contourner, par exemple à l’aide de l’évaluation publique par les pairs ou de l’intelligence artificielle, comme vous le lirez dans notre dossier sur le peer review. Mais la subjectivité reste le principe dominant dans l’évaluation des travaux de recherche. Certaines personnes le déplorent, jugeant que c’est une erreur. Pourtant, on peut constater en toute sérénité que le principe de subjectivité est nécessaire, car, malgré ses défauts, il n’en existe simplement pas de meilleur.

C’est particulièrement vrai lorsque, comme dans l’évaluation par les pairs, chaque personne peut en théorie être à la fois l’évaluée et l’évaluatrice. Cette équité, qui est à la base du système, devrait être mise en œuvre de manière plus importante. Pour cela, il faut que le plus grand nombre possible de scientifiques différents procède régulièrement à des évaluations par les pairs, y compris la relève, de sorte que l’évaluation ne soit plus majoritairement le fait d’un cercle déterminé de personnes expérimentées. L’évaluation globale sera d'autant moins biaisée qu’elle découlera de la réunion d’opinions individuelles différentes et nombreuses.