Marcel Tanner est président du groupement des Académies suisses des sciences A+. | Photo: Annette Boutellier

Si j’ai choisi une citation d’Henry Miller pour aborder le thème du ­dossier de ce numéro, c’est afin d’éviter que de fausses dichotomies ne ­germent en moi. La pandémie, unique grand test PCR pour notre société, a clairement montré à quel point nous aimons expliquer le monde à l’aide de fausses dichotomies. Trop souvent, la politique, mais en partie aussi la science, nous a présenté deux options comme étant les seuls moyens d’action possibles. Les alternatives n’ont pratiquement plus été prises en compte ni exa­minées. Cette évolution très défavorable domine actuellement aussi le débat sur d’autres grandes questions de société comme le climat, le dé­veloppement durable, l’énergie et la biodiversité ainsi que la neutralité et le maintien de la paix.

Comprendre et simplifier des systèmes complexes en se bornant à développer ou suggérer deux ­positions est impossible. La réflexion critique ainsi que le large éventail de perspectives, et donc ­d’options d’action alternatives, s’en trouvent limités. Enfin, et de manière plus décisive encore: la démarche scienti­fique ne peut et ne doit jamais aboutir à de fausses dichotomies et donc à de faux dilemmes.

«En défiant de fausses dichotomies et de faux dilemmes, nous reflétons des systèmes complexes ainsi que les solutions et options d’action à notre disposition.»Marcel Tanner

Nous devons constater régulièrement que le travail scientifique montre ce que nous savons et ce que nous ignorons à un moment donné. La probabilité qui en résulte constitue la base des options ­d’action, sans jamais se limiter à deux modes d’action possibles, bien que cela soit trop souvent revendiqué par la politique et la société.

En défiant de fausses dichotomies et de faux dilemmes, nous reflétons des systèmes complexes ainsi que les solutions et options d’action à notre disposition. Ce n’est que de cette manière que le dialogue répété entre la science, la politique et la société peut porter ses fruits. On en revient ainsi au thème de ce numéro: stimulés par les aperçus et les perspectives acquises, nous ne succomberons pas aux faux ­dilemmes du sage et du grandiose et du puissant et du riche, qui dominent trop souvent nos sociétés.