Même dans les vraies pilules, la substance active ne contribue qu’à une partie de l’effet global. Photo: Little Plant / Unsplash

La pilule ne contient pas de principe actif et n’est composée que de sirop de glucose et d’amidon. Et pourtant, le nez coule moins, les yeux ne démangent plus autant et globalement les symptômes du rhume des foins s’atténuent sensiblement. On sait que les pseudo-médicaments sont efficaces. Mais il y a plus. Des études récentes ont démontré que l’effet placebo fonctionne même lorsque les patientes sont clairement informées que les comprimés prescrits ne contiennent pas de principe actif. Et cela, pas seulement en cas de rhume des foins.

La découverte remet en question l’explication du fonctionnement des placebos, axée sur la tromperie, valable jusqu’à présent: le patient prend quelque chose dont il pense qu’il contient une substance pharmacologiquement active. Et bien que ce ne soit pas le cas, son attente entraîne une réduction de certains symptômes. Mais les études menées avec des placebos déclarés comme tels montrent que cette feinte n’est pas nécessaire: «C’est plutôt le contexte du traitement en lui-même qui est déterminant», note le psychologue clinicien Jens Gaab de l’Université de Bâle. «Si vous faites confiance au médecin et que vous sentez que quelqu’un s’occupe de vous, cela déclenche beaucoup de choses. Les placebos font effet parce que l’être humain est un être social.»

Même une pilule imaginaire fait effet

En 2017, Jens Gaab et une équipe internationale dirigée par sa collègue Cosima Locher ont comparé pour la première fois la distribution cachée et ouverte de placebos – en l’occurrence une pommade sans principe actif. Les 160 participants à l’expérience se sont auto-infligé des douleurs à l’avant-bras avec de la chaleur. Qu’on leur ait dit qu’il s’agissait d’un analgésique ou qu’on leur ait expliqué le pouvoir du placebo n’a joué aucun rôle: les douleurs ont diminué dans une même mesure, ce qui n’a pas été le cas pour le troisième groupe-test, qui n’a pas reçu de traitement. Et les scientifiques bâlois sont allés encore plus loin. Une équipe dirigée par Jens Gaab et Dilan Sezer a réparti au hasard plus de 170 étudiantes et étudiants souffrant d’anxiété aux examens en trois groupes. L’un a pris deux fois par jour pendant trois semaines un placebo déclaré comme tel. L’autre n’a pas eu de traitement et le troisième groupe s’est contenté d’imaginer avaler un médicament destiné à les rassurer – une approche appelée «imaginary pills» (pilules imaginaires). Leurs résultats, publiés en février dernier, sont surprenants: la peur des examens s’est étiolée d’autant chez le groupe qui a pris des placebos déclarés que chez celui des pilules imaginaires, tandis qu’aucun changement n’est intervenu dans le groupe de contrôle.

«L’effet dépend des paramètres concrets, mais aussi des opinions prévalantes sur la maladie et la guérison.»Jens Gaab

Jusqu’à présent, il était mal vu d’utiliser des placebos dans la pratique médicale. Stefan Schmidt, psychologue clinicien à l’Université de Fribourg-en-Brisgau, tranche: «Les vrais placebos, soit ceux qui ne sont pas déclarés comme tels, trompent le patient. Ils enfreignent ainsi le principe du consentement éclairé.» Mais la situation pourrait changer grâce aux études telles que celles menées à Bâle. «Les placebos déclarés ne posent pas de problème éthique. Cela ouvre de toutes nouvelles possibilités», ajoute le chercheur.

Les placebos sont en effet jusqu’à présent presque exclusivement réservés aux études cliniques, où ils servent de valeur de comparaison avec une substance testée. Si celle-ci produit un meilleur effet que le médicament fictif, elle est considérée comme efficace. «Mais désormais, les placebos déclarés font eux-mêmes toujours plus l’objet principal de la recherche», note Stefan Schmidt. Dans une étude de revue systématique publiée en mars 2023, il a examiné ce que l’on sait des mécanismes d’action des placebos: «Pour les placebos cachés, nous savons qu’ils peuvent déclencher, en plus des symptômes que l’on perçoit soi-même, des processus biochimiques objectivement mesurables, tandis que pour les placebos déclarés, nous n’avons pas encore trouvé de tels indices.» Toutefois, les études sont encore rares et l’analyse actuelle ne porte que sur 17 travaux, note le chercheur. Mais déjà, il existe plusieurs nouvelles études, qu’il est en train d’évaluer pour une synthèse actualisée.

«Les placebos déclarés ne posent pas de problème éthique. Cela ouvre de toutes nouvelles possibilités.»Stefan Schmidt
Des risques existent aussi

Concernant les placebos déclarés, les applications possibles sont majoritairement claires: «L’accent est mis sur les maladies dans lesquelles les facteurs physiques et psychiques interagissent fortement», dit Stefan Schmidt. Il s’agit par exemple des dépressions, des allergies, du syndrome du côlon irritable, des bouffées de chaleur de la ménopause ou des syndromes d’épuisement liés aux cancers. Et Jens Gaab de l’Université de Bâle est même convaincu que les placebos déclarés et les pilules imaginaires pourraient ici remplacer les traitements pharmacologiques actuels. «Pour de nombreuses thérapies à base de principes actifs, l’effet placebo participe finalement aussi en majeure partie à l’effet, constate-t-il. Mais c’est comme pour un iceberg: les études cliniques ne se focalisent que sur la petite zone hors de l’eau par laquelle un médicament pharmacologique surpasse un placebo.» Ce dernier est ainsi occulté, car il est présent dans les deux procédés. «Nous avons besoin d’études cliniques conçues pour mesurer la part de l’effet placebo dans le succès thérapeutique global», complète Jens Gaab. Le but ne serait alors pas de savoir dans quelle mesure une substance active est meilleure, mais si le médicament factice est acceptablement moins bon. «Si la différence est faible, les placebos déclarés sont tout au plus la meilleure option. Cela vaut notamment pour les médicaments au profil défavorable en matière d’effets secondaires, comme certains psychotropes.»

Les placebos présentent toutefois aussi des risques, par exemple quand l’autoévaluation ne perçoit pas les processus physiologiques qui se déroulent réellement. Dans une étude menée à la Harvard Medical School de Boston en 2011, un spray contre l’asthme a par exemple été comparé à un spray inoffensif identique et à l’absence totale d’intervention. Sur la cinquantaine de personnes ayant participé à l’étude, presque toutes celles qui ont reçu un traitement, ou qui le croyaient, ont rapporté une atténuation de leurs symptômes respiratoires dans une mesure quasi identique. La méthode de mesure objective a cependant montré que le vrai spray contre l’asthme augmentait beaucoup plus le volume respiratoire que le placebo, dont l’effet était faible. «Des conditions d’admission bien définies sont donc aussi nécessaires pour les thérapies placebo, avertit Jens Gaab. Et nous devons être conscients que, dans la pratique, l’effet dépend des paramètres concrets, mais aussi des opinions prévalentes sur la maladie et la guérison.»

«C’est comme pour un iceberg: les études cliniques ne se focalisent que sur la petite zone hors de l’eau.»Jens Gaab
Des risques existent aussi

Concernant les placebos déclarés, les applications possibles sont majoritairement claires: «L’accent est mis sur les maladies dans lesquelles les facteurs physiques et psychiques interagissent fortement», dit Stefan Schmidt. Il s’agit par exemple des dépressions, des allergies, du syndrome du côlon irritable, des bouffées de chaleur de la ménopause ou des syndromes d’épuisement liés aux cancers. Et Jens Gaab de l’Université de Bâle est même convaincu que les placebos déclarés et les pilules imaginaires pourraient ici remplacer les traitements pharmacologiques actuels. «Pour de nombreuses thérapies à base de principes actifs, l’effet placebo participe finalement aussi en majeure partie à l’effet, constate-t-il. Mais c’est comme pour un iceberg: les études cliniques ne se focalisent que sur la petite zone hors de l’eau par laquelle un médicament pharmacologique surpasse un placebo.» Ce dernier est ainsi occulté, car il est présent dans les deux procédés. «Nous avons besoin d’études cliniques conçues pour mesurer la part de l’effet placebo dans le succès thérapeutique global», complète Jens Gaab. Le but ne serait alors pas de savoir dans quelle mesure une substance active est meilleure, mais si le médicament factice est acceptablement moins bon. «Si la différence est faible, les placebos déclarés sont tout au plus la meilleure option. Cela vaut notamment pour les médicaments au profil défavorable en matière d’effets secondaires, comme certains psychotropes.»

Les placebos présentent toutefois aussi des risques, par exemple quand l’autoévaluation ne perçoit pas les processus physiologiques qui se déroulent réellement. Dans une étude menée à la Harvard Medical School de Boston en 2011, un spray contre l’asthme a par exemple été comparé à un spray inoffensif identique et à l’absence totale d’intervention. Sur la cinquantaine de personnes ayant participé à l’étude, presque toutes celles qui ont reçu un traitement, ou qui le croyaient, ont rapporté une atténuation de leurs symptômes respiratoires dans une mesure quasi identique. La méthode de mesure objective a cependant montré que le vrai spray contre l’asthme augmentait beaucoup plus le volume respiratoire que le placebo, dont l’effet était faible. «Des conditions d’admission bien définies sont donc aussi nécessaires pour les thérapies placebo, avertit Jens Gaab. Et nous devons être conscients que, dans la pratique, l’effet dépend des paramètres concrets, mais aussi des opinions prévalentes sur la maladie et la guérison.»