Le concept
A hauteur d’yeux
Pourquoi certaines demandes d’échanges entre scientifiques et grand public rappellent l’Eglise, le prêtre et la laïque.
Les chercheurs doivent quitter leur tour d’ivoire et discuter de leurs découvertes avec le public. Cette exigence de la communication scientifique a l’air quelque peu désuète. Dans l’espace germanophone, on parle aujourd’hui plutôt de la nécessité pour les scientifiques de parler «à hauteur d’yeux» («auf Augenhöhe») avec les non-scientifiques. L’idée étant que l’on traite son interlocutrice comme étant «d’égale à égal» lors d’un échange.
Mais l’expression allemande comporte une contradiction: une rencontre «à hauteur d’yeux» implique un ajustement de la hauteur: l’un des deux doit faire un mouvement vers le bas – ce qu’on sous-entend le plus souvent – ou vers le haut. Il ne surprend guère que cette revendication paternaliste soit aussi très prisée des milieux ecclésiastiques: le prêtre doit rencontrer la laïque «auf Augenhöhe». Ainsi, comme les prêtres avec leur accès privilégié à Dieu, les scientifiques sont donc transformées en porteuses d’un savoir particulier qui les place au-dessus des autres. Un parallèle entre communication et attitude qui mériterait d’être discuté.