Marcel Tanner est président des Académies suisses des sciences A+. | Photo: Annette Boutellier.

Dans cette édition du magazine Horizons, la combinaison entre science et cinéma nous stimule. Pourtant, l’époque peut nous porter à penser que nous vivons «dans le mauvais film»: après les années de pandémie, nous sommes maintenant témoins d’une guerre que nous pensions impossible, compte tenu de tout ce que l’humanité aurait dû apprendre. Mais regardons au‑delà des citations dites désespérées, dans l’esprit de cette pensée évoquée en préambule: c’est en effet toujours une certaine absence de perspectives qui nous permet de voir plus loin et de trouver ainsi des raisons et des voies pour caresser de nouveaux espoirs.

«Il n’y a pas de situation désespérée, il n’y a que des gens qui désespèrent»

Actuellement, nous nous engageons toutes et tous à tirer des enseignements de la pandémie et, forts de ce savoir, à aborder d’autres grandes questions telles que le climat, l’énergie et les technologies de transformation. Dans ces circonstances, la science a reconnu l’importance de prendre en compte le contexte sociétal pour communiquer en cas de crise ou quand il est question de survie. Cela signifie qu’il faut cultiver une vision de santé publique et socio-écologique et mener des échanges continus et itératifs entre les différentes actrices et acteurs tout en pesant les intérêts en jeu. C’est pourquoi le dialogue entre la science, la politique et la société est primordial. Des perspectives et donc de nouveaux espoirs naissent lorsque nous renforçons massivement cette courroie de transmission entre science et société. Cela, en définissant précisément les processus, ainsi que les rôles et les responsabilités de toutes les parties impliquées. La science doit se considérer comme faisant partie de la société et non comme une experte externe. Elle doit, à tout moment, montrer ce qu’elle sait et, aussi, ce qu’elle ignore. En d’autres termes: elle doit intégrer et exprimer l’incertitude. Ce n’est que de cette manière que sont créées sans cesse les bases d’options d’action défendables éthiquement qui vont conduire à des interventions en faveur de la société par le biais de processus de décisions sociopolitiques. La courroie de transmission de la science à la politique et à la société fonctionne si nous parvenons à retrouver une culture scientifique moins élitaire, moins activiste et/ou moins marquée par le carriérisme. En référence à ma reconnaissance et à mon profond respect pour la peinture naïve, je pense qu’il ne s’agit pas – en matière de science, voire dans tout domaine – de réaliser des prouesses à l’extérieur, mais uniquement de faire les choses ordinaires en reconnaissant leur valeur intrinsèque.