Les récoltes de maïs sont particulièrement en danger dans les zones rouges: à cause de la sécheresse au Sahel et au sud du continent, et du fait de la chaleur au centre. Image: Bahareh Kamali/Eawag

Moins de neige en hiver, de plus longues sécheresses en été. L’eau se raréfie, ce qui n’augure rien de bon pour l’agriculture. En juillet 2018, la Thurgovie a par exemple interdit le pompage de l’eau dans les ruisseaux, les rivières et les étangs. De leur côté, l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) et les cantons ont lancé plusieurs projets pilotes pour coordonner l’utilisation de l’eau et aider la filière agricole à s’adapter aux nouvelles conditions climatiques. Ils développent des cartes sur les régions à risque et des prévisions météorologiques à dix jours pour optimiser l’irrigation.

La situation est en Afrique encore plus difficile. «Elle va probablement empirer dans presque tous les pays du continent en raison du changement climatique et de l’intensification attendue des phénomènes météorologiques extrêmes», dit Hong Yang, de l’institut fédéral de recherche sur l’eau Eawag à Dübendorf. La chercheuse a développé un modèle qui établit un lien entre les risques de sécheresse dans une région et la vulnérabilité des cultures pratiquées.

«Ce travail est théorique et compliqué. Mais il est utile.»Hong Yang

Elle a choisi d’examiner le cas du maïs, très répandu en Afrique. Le modèle intègre une grande variété de données, notamment sur les pratiques agricoles, comme le moment des semis et de la récolte ou encore l’utilisation d’engrais. S’y ajoutent des données géographiques telles que l’ensoleillement et la pente ainsi que la nature du sol et la météo quotidienne. Les informations proviennent de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de l’Organisation météorologique mondiale (OMM).

Les scientifiques ont ainsi divisé l’ensemble de l’Afrique subsaharienne en petites parcelles d’environ 50 kilomètres carrés et identifié celles où les récoltes étaient les plus menacées et pourquoi. Ainsi, le Sahel et le sud du continent ont tendance à souffrir d’un manque de pluie, alors qu’en Afrique centrale le problème vient plutôt des températures élevées qui provoquent une trop forte transpiration végétale.

«Ce travail est théorique et compliqué, reconnaît Hong Yang, mais il est utile. Nous voulons développer une manière cohérente de mesurer l’impact de la sécheresse sur les cultures. Il y a beaucoup de discussions sur cette question mais peu d’études sur la manière de le quantifier.»

Planifier globalement

Les résultats de ce modèle profiteront-ils vraiment à quelqu’un? Clairement oui, répond Chinwe Ifejika Speranza, professeure de géographie à l’Université de Berne. Toutefois, ce ne sera «pas au niveau local, mais pour la planification nationale. Les exploitations particulières auraient besoin d’informations plus détaillées et adaptées à leur situation individuelle». D’ailleurs, dans les pays en développement, les conditions économiques et sociales des paysans constituent le facteur déterminant. «Même s’ils sont mis en garde assez tôt, ils ne changeront peut-être pas la date des semis parce qu’ils n’auront pas confiance en ces informations ou parce qu’ils n’auront pas les moyens d’acheter les semences adéquates.»

Pour que les agriculteurs intègrent ces nouvelles connaissances dans leur quotidien, il faudrait non seulement qu’ils puissent échanger avec des chercheurs et des conseillers agricoles locaux sur les questions pratiques, mais aussi avec les théoriciens à l’origine des simulations. C’est pourquoi Pierluigi Calanca, du centre de recherche agricole Agroscope, juge le travail de Hong Yang intéressant. Le lien établi entre le risque de sécheresse et la vulnérabilité des cultures «permet de discuter avec les groupes visés parce qu’il est possible de distinguer entre l’influence du climat et celle de l’exploitation sur la vulnérabilité de la production».

Et cela fonctionne aussi en Suisse. Pierluigi Calanca a participé à plusieurs projets pilotes de l’OFEV. Pour lui, les services de vulgarisation agricole – cantonaux ou privés – représentent le cadre adéquat pour établir des échanges entre les chercheurs, les conseillers et les agriculteurs. «Finalement, les contacts personnels sont indispensables.»

Florian Fisch est rédacteur scientifique au FNS.