Au-dessus de l'Irlande du Nord, de l'Irlande et du Pays de Galles, les avions dessinent de délicates traces virtuelles lorsqu'ils rallient l'aéroport de Dublin dans le système Point Merge. | Photo: Jan Krummen

 

Les lignes extrêmement fines semblent avoir été tracées à la règle, voire au compas pour former de parfaits arcs vers le centre de l’image. Ce qui ressemble à un dessin géométrique du plus haut niveau est en réalité la trace de près de 13 000 avions en approche de l’aéroport de Dublin en mars 2024. En bas à droite, le Pays de Galles. Au centre, la capitale irlandaise. En haut à gauche, l’Irlande du Nord. Habituellement, ces trajectoires, comme les appelle Jan Krummen, sont simplement consignées sous forme de chiffres dans un tableau.

Grâce au système de surveillance ADS-B, chaque avion transmet continûment son altitude, sa vitesse et sa position. «Ces données ne sont pas cryptées. Une véritable aubaine pour les scientifiques», souligne l’ingénieur aéronautique. Elles permettent d’analyser d’innombrables questions: par exemple, comment les tourbillons d’air des avions au décollage influencent les me-sures du vent au sol ou comment économiser du carburant grâce aux raccourcis. La vi­sualisation est presque toujours la première étape d’un projet utilisant les données ADS-B: «L’aspect des structures est souvent très cool.» Dans le cas des mouvements au-dessus de Dublin, le système a attribué une couleur légèrement différente à chaque route d’approche et «joué avec l’épaisseur et la transparence des lignes».

«Nous voyons ce qui est normalement invisible pour tous, mais que les avions dessinent tous les jours dans le ciel au-dessus de nos têtes.»Jan Krummen

Son délicat maillage de traits a été primé lors du Concours FNS d’images scientifiques 2025. La procédure de gestion des arrivées Point Merge utilisée à l’aéroport de Dublin explique la symétrie esquissée par les éventails en filigrane. «C’est encore assez rare dans le monde, relève le chercheur de la ZHAW. Les avions volent sur des arcs de cercle préétablis équidistants d’un point central avant de converger tour à tour vers celui-ci, puis vers la piste d’atterrissage.

Cela permet aux contrôleurs aériens d’optimiser le séquençage, puisque «lors de l’approche, ils doivent s’assurer du respect des distances définies entre les avions», note Jan Krummen. L’expert en gestion du trafic aérien élève à un autre niveau le complexe jeu de ficelles au-dessus de l’Irlande: «Nous voyons ce qui est normalement invisible pour tous, mais que les avions dessinent tous les jours dans le ciel au-dessus de nos têtes.»