Du brouillard entre le soi et le monde – c’est ainsi que l’artiste Hannah Laycock, atteinte de sclérose en plaques (SEP), perçoit sa propre identité. | Photo: Hannah Laycock

Ces dernières années, plusieurs médicaments contre la sclérose en plaques (SEP), une maladie neurodégénérative, ont été autorisés. Souvent, ces principes actifs avaient été conçus pour lutter contre d’autres maladies et leurs mécanismes d’action restent flous. Pour développer des thérapies plus ciblées et efficaces, les chercheurs tentent de mieux comprendre les causes variées de cette maladie auto-immune (lire encadré). Des études sur des jumeaux montrent que le risque de développer la maladie est héréditaire à 30% au maximum. «Le reste dépend donc de facteurs environnementaux tels que l’alimentation, l’hygiène de vie et les infections», note la doctoresse Anne-Katrin Pröbstel, neuro-immunologue à l’Université de Bâle.

Des études ont effectivement mis au jour bon nombre d’influences de ce type, comme une infection par le virus d’Epstein-Barr, une carence en vitamine D ou le tabagisme. La spécialiste est convaincue du rôle que joue également la mauvaise composition de la flore intestinale. Récemment, des différences nettes entre les bactéries intestinales de patients atteints de sclérose en plaques et de sujets sains ont été révélées. Et les selles des patients atteints de SEP entraînent une forme plus grave chez les souris qui en souffrent.

Des cellules immunitaires migrent dans le cerveau

Anne-Katrin Pröbstel a montré dans des expériences comment des bactéries intestinales pouvaient attaquer les cellules nerveuses du cerveau: certaines cellules immunitaires, qui produisent des anticorps, reconnaissent les souches de bactéries associées à la SEP. Ces cellules migrent alors dans le cerveau où elles produisent des substances messagères pour la régulation du système de défense. La chercheuse suppose que ces sous-groupes de cellules immunitaires empêchent ou renforcent l’inflammation cérébrale: «A des fins thérapeutiques, on pourrait donc spécifiquement multiplier les cellules bénignes, et ainsi éliminer les cellules malignes.» Autre possibilité: éradiquer de manière ciblée les souches de bactéries nuisibles dans l’intestin, par exemple en modifiant le régime alimentaire.

Des patients souvent jeunes
La sclérose en plaques, maladie auto-immune encore incurable, se traduit par l’attaque et la destruction, par le système immunitaire de la gaine protectrice des fibres nerveuses dans le cerveau et la moelle épinière. D’où des symptômes tels troubles de l’équilibre, paralysies et douleurs. En Suisse, la maladie à la gravité variable touche près d’une personne sur 1000, surtout de jeunes femmes.
Réglage du taux de vitamine D

Le groupe de travail dirigé par Roland Martin, responsable du département de neuro-immunologie et de la recherche sur la sclérose en plaques à l’Hôpital universitaire de Zurich, a également réalisé un progrès récent: «Pour la première fois, nous avons pu montrer comment un gène combiné à un facteur environnemental contribue à l’apparition de la SEP.» Baptisée HLA-DR15, la variante de gène entraîne la formation d’un groupe particulier de cellules immunitaires régulatrices qui réagissent à l’infection au virus d’Epstein-Barr. Mais le même groupe attaque aussi des parties de cellules cérébrales, ce qui peut provoquer la sclérose.

«Nous parvenons déjà à ce que l’évolution de la maladie soit moins marquée chez 80% des patients.»Roland Martin

Une autre méthode thérapeutique prometteuse, développée avec le centre Wyss de Zurich, vise à utiliser ces connaissances pour entraîner les cellules immunitaires néfastes à tolérer les éléments des cellules cérébrales qu’elles considèrent comme dangereux. Pour Anne-Katrin Pröbstel, ces résultats confirment que la sclérose en plaques est une maladie multifactorielle, qui influence le système immunitaire à plusieurs niveaux.

Pour Roland Martin, cela explique aussi pourquoi une carence en vitamine D et le tabagisme font partie des facteurs de risque, puisque tous deux nuisent au système immunitaire. Un réglage adéquat du taux de vitamine D fait donc partie intégrante des soins aux patients atteints de SEP. Roland Martin pense que la clé réside dans des thérapies combinées: «Nous parvenons déjà à ce que l'évolution de la maladie soit moins marquée chez 80% des patients.» Espérons que, dans un futur proche, toutes et tous éviteront le fauteuil roulant.