Un spectacle désolant: bâtis sur du sable, solitaires, les poteaux d'éclairage du centre d'entraînement de volley des JO d’été d’Athènes (2004) se détériorent avec la ville en toile de fond. | Photo: Jamie McGregor Smith

Les Jeux olympiques (JO) et les Coupes du monde de la FIFA sont les événements les plus regardés et les plus chers de la planète. Ils ont la capacité de transformer des villes comme aucune autre politique publique. Dans ce sens, ils pourraient constituer un moteur pour transformer des villes entières selon des modèles plus durables. Mais il n’en est rien. C’est ce que démontrent les résultats préliminaires d’une étude longitudinale menée par Martin Müller, professeur de géographie humaine à l’Université de Lausanne, qui compare les impacts des méga-événements.

Les premiers résultats de l’étude permettent de suivre l’évolution de la durabilité des Olympiades depuis 1992. Les chercheurs ont analysé, pour 15 éditions, trois indicateurs pour chacune des trois dimensions de la durabilité, à savoir: l’écologie (pourcentage de nouvelles constructions, empreinte des visiteurs, taille de l’événement), le social (modification des lois, sécurité et paix sociales) et l’économie (dépassement du budget, part des fonds publics et utilisation des installations après l’événement).

«Les Jeux olympiques n’ont cessé de croître selon une logique capitaliste. Aujourd’hui, ils répondent de moins en moins aux critères de durabilité.»Christopher T. Gaffney

Etonnamment, ces événements sont devenus toujours moins durables, malgré, par exemple, les déclarations des organisateurs des JO de Vancouver (2010), labellisés «premiers Jeux durables de l’histoire». Contre toute attente, selon l’étude, l’événement olympique le plus durable depuis 1992 était celui de Salt Lake City (2002), qui n’avait pourtant pas eu recours à la dimension écologique pour sa publicité. En deuxième place du classement figure Albertville (1992), nettement loin devant Barcelone (1992). La dernière place revient à Sotchi (2014), juste derrière Rio (2016). «Ces résultats ne me surprennent pas, affirme le géographe Christopher T. Gaffney, professeur à l’Université de New York, qui a participé à l’étude jusqu’en 2017. Les Jeux olympiques n’ont cessé de croître selon une logique capitaliste. Aujourd’hui, ils répondent de moins en moins aux critères de durabilité.» Il faut souligner que, malgré leur position en tête du classement, les JO de Salt Lake City ne peuvent pas être considérés comme «durables», selon Martin Müller. «Leur principale qualité a été une bonne gestion financière, mais ils ont juste obtenu des notes un peu meilleures que les autres pour des critères tels que le nombre de visiteurs ou le déplacement de populations», note le géographe.

Des événements de taille réduite

Pour inverser la tendance, comment pourrait-on rendre les futurs JO plus durables? «Nos recommandations vont vers une réduction de la taille des événements, explique Martin Müller. Mais il faudrait aussi prévoir de les faire tourner dans un réseau de villes, ainsi que des évaluations indépendantes des standards de durabilité.» Ce dernier point apparaît d’autant plus crucial que l’étude montre que les organisateurs des Jeux privilégient les actions vertes spectaculaires sans modifier les structures socio-économiques des événements. «A Tokyo, ils ont communiqué sur les médailles constituées de composants issus de vieux téléphones, or c’est un aspect négligeable », observe Martin Müller.

Christopher T. Gaffney n’est pas optimiste: «Les organisations sportives internationales ne changent pas à moins d’une forte pression extérieure. Leur modèle de fonctionnement n’est ni durable ni inclusif et ne favorise pas une redistribution équitable des ressources.» La pandémie actuelle pourrait-elle le faire évoluer? «Il est difficile de faire des prédictions, estime Christopher T. Gaffney. Mais si le coronavirus devait transformer les normes sociales à long terme, il ne serait peut-être plus concevable de mélanger autant de monde dans un même endroit. Cependant, je pense que le changement viendra plutôt de la jeune génération, qui consomme différemment les médias et n’est plus aussi friande de ce type d’événement. » Pour les deux chercheurs, une tendance apparaît clairement: l’apogée des méga-événements appartient définitivement au passé.