Théorie des cordes ou gravitation à boucle? Si aujourd'hui quelqu'un tient l'une de ces théories pour vraies, il s'agit de croyance, pas de savoir. Image: AdobeStock / fotoliaxrender

Les définitions de la religion sont innombrables. Celle de l’ethnologue américain Clifford Geertz est inspirante: «Une religion est un système de symboles qui agit pour susciter des états d’âme puissants, envahissants et durables chez les gens en formulant des conceptions d’un ordre général d’existence et en conférant à ces conceptions une telle aura de factualité que les états d’âme et les motivations semblent particulièrement réalistes.»

Tester cette définition sur les sciences en tant que jeu de l’esprit peut ouvrir de nouvelles perspectives. Pour Clifford Geertz, les symboles sont «tout objet, acte, événement, propriété ou relation qui sert de véhicule à un concept qui en est la signification». La langue représente un système de symboles important. Tout comme le déroulement des actions du quotidien a une teneur symbolique. Les systèmes de symboles sont des modèles de la réalité. Par conséquent, une discipline scientifique peut être considérée comme un système de symboles composé d’objets et d’actions, telles la chimie avec ses modèles moléculaires et ses expériences, ou l’histoire avec ses concepts et ses séquences d’événements.

Un ordre ontologique ne doit pas inclure une divinité, mais peut être l’hypothèse d’une structure objective qui imprègne tout. Dans certaines disciplines scientifiques, il existe des idées de telles structures. En physique, par exemple, certaines postulent une théorie du tout, soit de quelque chose qui traverserait l’ensemble du monde physique. Et plus d’une historienne part du principe que nous ne pouvons pas comprendre notre présent sans le passé, que ce dernier est omniprésent.

C’est là que le jeu de l’esprit se complique. D’après la définition, ces représentations d’un ordre ontologique sont entourées d’une «aura de factualité». Peut-on l’appliquer aux sciences? Certainement pas de façon générale. Mais une physicienne postule-t-elle qu’une théorie du tout est vraie ou juste une théorie? Une historienne place-t-elle l’influence du passé au-dessus de tout? Ou démontre-t-elle qu’il ne s’agit que d’un facteur important?

Reste le point crucial pour notre jeu de l’esprit: la scientifique considère-t-elle les concepts globaux de sa discipline comme des hypothèses qu’elle teste sur la réalité et grâce auxquelles elle acquiert de nouvelles connaissances? Ou a-t-elle commencé à y croire?