Les solutions des étudiants
Marco Mazzotti | Illustration: 1kilo

Marco Mazzotti | Illustration: 1kilo

«Pour un véritable changement, il nous faut d’abord transformer la culture», déclare Marco Mazzotti. Lorsque l’ETH Zurich demande en 2017 à tous ses départements de définir des objectifs et de prendre des mesures pour réduire les gaz à effet de serre, le professeur du Département génie mécanique et des procédés implique immédiatement les postdocs et les étudiants. Ceux-ci jouent un rôle central: ils peuvent désormais réaliser des projets qui s’inscrivent dans les objectifs de développement durable, financés par une taxe CO2 prélevée sur les vols. «Des centaines d’étudiants réfléchiront ainsi chaque année aux moyens de rendre la science plus durable tout en accumulant des expériences précieuses», commente Marco Mazzotti.

Réunion dans un village suisse
Daniel Helbling | Illustration: 1kilo

Daniel Helbling | Illustration: 1kilo

Plus de 40 000 oncologues s’envolent chaque année du monde entier pour le congrès de la Société américaine d’oncologie clinique. En Suisse, des spécialistes préfèrent se rendre à Flüeli-Ranft, un paisible village du canton d’Obwald. Ils s’y réunissent pendant trois jours dans un hôtel. Un comité et des personnes sur place sélectionnent les conférences les plus importantes pour le travail clinique, parmi les quatre à cinq mille contributions que compte le congrès. «Le gain de temps est considérable pour nos participants, souligne l’un des initiateurs du projet, Daniel Helbling, de l’Onkozentrum Zürich. Nous économisons du temps, de l’argent et 133 tonnes de dioxyde de carbone par an.» Les médecins suisses regardent les conférences en vidéo avec un jour de décalage, en discutent entre eux ainsi qu’avec certains conférenciers aux Etats-Unis. «Avant, je revenais de ces conférences épuisé et écrasé par l’offre gigantesque, glisse Daniel Helbling. Aujourd’hui je me sens reposé – et bien informé!»

Trois conférences par an au maximum
Gisou van der Goot | Illustration: 1kilo

Gisou van der Goot | Illustration: 1kilo

Choquée par la quantité de CO2 produit par les voyages professionnels de son institution, Gisou van der Goot, de l’EPFL, a formulé un plan ambitieux: réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre de la Faculté des Sciences de la Vie, dont elle est la doyenne (voir également «La butineuse de science», p.32). «Nous encourageons nos professeurs assistants à mentionner dans leur dossier de promotion trois conférences internationales par an au maximum», explique la biologiste. Comme les échanges scientifiques restent de première importance, elle dit vouloir acquérir une infrastructure de visioconférence de premier choix et organiser des hubs régionaux ou nationaux durant les conférences internationales. La direction de l’EPFL cherche encore le bon dosage entre ces différentes mesures. «Nous nous sentons comme des pionniers », glisse Gisou van der Goot.

 

L’empreinte écologique de la recherche

Groupes de recherche, facultés et hautes écoles ont commencé à analyser leurs émissions de CO2. Principaux responsables: les voyages d’affaires lointains ainsi que le trafic pendulaire.

 

Chiffres: le groupe de recherches de Nicolas Gruber, à l'ETH Zurich, a examiné les raisons des voyages professionnels. Les autres analyses proviennent de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). | Illustration: 1kilo

Des idées contre les émissions

L’ETH Zurich s’est mobilisée: l’administration et tous les départements ont dû déterminer la manière dont ils entendent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Résultat: une multitude d’idées et un objectif fixé à une réduction de 11% par personne d’ici 2025. Les mesures sont entrées en vigueur en janvier 2019.

Passez la souris sur l'image pour lire les informations.

Examen des règlements de l’ETH Zurich sous l’angle du climat

Taxe CO2 sur les billets d’avion

Formation aux visioconférences

Compensation des émissions

Suivi en temps réel

Intégrer les émissions dans les classements des universités

1ère classe pour les longs voyages en train

Pas de vols pour les présentations de posters à des conférences

Distinction pour les employés qui voyagent de manière durable

Conseils pour les déplacements
en avion

Emissionswerte pro Professor intern offenlegen

Publication interne du niveau d’émissions par professeur
Compensation des émissions | Illustration: 1kilo

«Un comportement écologique responsable ne doit pas faire obstacle à la carrière»

Reto Knutti s’engage désormais davantage au niveau national et ne prend jamais de vols intercontinentaux pour un seul jour. Le climatologue de l’ETH Zurich explique les difficultés que rencontre un chercheur désireux de respecter l’environnement.

Le climatologue Reto Knutti est professeur à l’ETH Zurich et président de ProClim, le Forum sur le climat et les changements globaux de l’Académie des sciences naturelles. | Illustration: 1kilo

Le climatologue Reto Knutti est professeur à l’ETH Zurich et président de ProClim, le Forum sur le climat et les changements globaux de l’Académie des sciences naturelles. | Illustration: 1kilo

L’ETH Zurich veut réduire de 11% les émissions de gaz à effet de serre dues aux déplacements professionnels d’ici 2025. Cela suffit-il?

Non, mais c’est un premier pas important. Les Suisses prennent toujours davantage l’avion. L’ETH Zurich veut maintenant inverser cette tendance.

Mais les 89% suivants seront plus difficiles.

Pas nécessairement. Il faut un changement en profondeur. Aujourd’hui, les scientifiques qui veulent une réputation d’excellence se doivent de voyager dans le monde entier. La distance ne joue aucun rôle dans le choix des conférences, des partenaires ou des études de terrain. Changer tout cela représente la partie la plus difficile. Nous menons justement ces discussions.

Peut-on envisager une science globale sans voyages en avion?

Certainement, en le prenant bien moins souvent. Mais, dans certains cas, une présence sur place s’avère nécessaire, par exemple lors de nouveaux partenariats.

A quels risques s’exposent les scientifiques et les institutions qui prennent les devants?

C’est particulièrement difficile pour les jeunes chercheurs, qui doivent faire leur place. Nous ne pouvons donc pas nous contenter d’encourager un comportement écologique responsable: il faut également modifier les critères d’évaluation afin qu’un tel choix ne se transforme pas en un obstacle à la carrière ou à l’excellence. Mais ces changements présentent également des avantages pour les institutions. On sous-estime grandement les coûts réels de tous ces vols – je pense notamment au temps investi, au jetlag et à la famille.

Diminuer les émissions, est-ce un devoir pour la science?

Evidemment. Face à un problème global tel que le changement climatique, il ne doit pas y avoir de profiteurs. Tout le monde doit participer. Et pas seulement les chercheurs. Parce qu’en moyenne, un Suisse vole plus loin qu’un chercheur de l’ETH pour son travail.

Quelles règles vous êtes-vous données concernant l’utilisation de l’avion?

Je m’engage désormais davantage au niveau national et trouve ici des projets aussi pertinents que sur les autres continents. Et je vole aussi peu que possible, jamais en classe business et ne fais jamais de vols intercontinentaux pour un seul jour.