Il est nécessaire que des comités d'experts scientifiques évaluent des demandes de financement pour séparer le bon grain de l’ivraie. Mais ensuite, le hasard pourrait jouer un rôle intéressant, dit Matthias Egger. | Photo: Manu Friederich

Il y a quelque temps, j’ai reçu un e-mail courroucé d’un candidat déçu me disant qu’«obtenir des financements du Fonds national suisse (FNS) est une loterie». Sa demande précédente avait été acceptée. Mais celle qui venait d’être refusée était «infiniment meilleure», m’assurait-il. Bien sûr, ai-je pensé, pourquoi ne pas simplement tirer au sort les heureux gagnants? Cela faciliterait certainement la vie du FNS. J’ai ensuite oublié cet échange jusqu’à ce que je tombe sur un article de Ferric Fang et Arturo Casadevall qui m’a fait réfléchir à nouveau.

Les deux auteurs soutiennent que le taux de financement de la National Science Foundation et des National Institutes of Health (NIH) américains sont désormais si bas qu’il n’est plus approprié de classer les demandes sur la base d’une évaluation scientifique par les pairs. Les comités d’évaluation reçoivent de nombreux excellents projets, mais sont obligés de n’en choisir que quelques-uns. Des taux de financement faibles augmentent le risque de biais en faveur de candidats expérimentés, masculins et disposant d’un bon réseau. «Le système est déjà fondamentalement une loterie sans l’avantage de l’aléatoire», écrivent-ils.

Bien sûr, ils reconnaissent qu’il est essentiel que les demandes de subsides soient évaluées par un comité d’experts scientifiques afin de séparer le bon grain de l’ivraie et de rejeter les projets irréalistes, mal conçus ou qui ne présentent rien de nouveau. Ferric Fang et Arturo Casadevall proposent donc un système simple en deux étapes. Les demandes pertinentes et finançables sont d’abord identifiées par une évaluation par les pairs, puis les bénéficiaires de fonds sont tirés au sort parmi celles-ci. Cette approche pourrait réduire les risques de décisions biaisées et diminuerait la charge de travail et les coûts.

«Une sélection aléatoire pourrait réduire les risques de biais.»

Certains diront que cette démarche n’est pas judicieuse pour la Suisse, car les taux de financement du FNS sont bien plus élevés que ceux constatés aux Etats-Unis (certains instituts des NIH affichent un taux de 10% ou moins). Cependant, je crois qu’elle est pertinente si elle est appliquée aux demandes situées autour de la ligne de financement. Une idée serait de créer trois groupes: les excellents projets qui doivent clairement être financés, les médiocres qui doivent clairement être rejetés et les bons qui méritent d’être soutenus en fonction du budget disponible. Au sein de ce troisième groupe, les requêtes pourraient être sélectionnées de manière aléatoire. J’y vois des avantages, mais aussi des risques. Par exemple, cela pourrait donner l’impression aux politiciens, aux chercheurs et au grand public que le FNS n’est pas disposé ou capable d’évaluer les demandes qu’il reçoit.

Je serais très intéressé de savoir ce que vous en pensez. Envoyez-moi un e-mail à matthias.egger@snf.ch avec «Funding by lottery» comme sujet ou donnez-moi votre avis sur Twitter (@eggersnsf).

Matthias Egger est président du Conseil national de la recherche et épidémiologiste à l’Université de Berne.