Les causes de la dépression sont diverses, les traitements le sont moins. Dessin d’un patient du Centre psychiatrique de Breitenau à Schaffhouse. | Sant titre, feulle d’un carnet de dessin de 18 pages. Peinture à l’huile, page double 18,5 × 23,5 cm, non datée. Collection Breitenau, Inv. Nr. 105, © Signatur: Staatsarchiv Schaffhausen DJ 39/2432

Les causes de la dépression sont diverses, les traitements le sont moins. Dessin d’un patient du Centre psychiatrique de Breitenau à Schaffhouse. | Image: Sans titre, feuille d’un carnet de dessin de 18 pages. Peinture à l’huile, page double 18,5 × 23,5 cm, non datée. Collection Breitenau, Inv. Nr. 105, © Signatur: Staatsarchiv Schaffhausen DJ 39/2432

La dépression – la plus répandue des maladies mentales – a des origines très variées, mais ses traitements ont un caractère presque universel. Il se basent en général sur des antidépresseurs, une thérapie comportementale ou une combinaison des deux.

La médecine personnalisée part de l’idée que le succès ou l’échec d’une thérapie dépendent de caractéristiques particulières à chaque individu. Dans le cas de la dépression, il s’agit de l’état de santé général, du mode de vie, des prédispositions génétiques, de la situation familiale et des crises relationnelles. Une équipe de l’Université de Zurich a développé une nouvelle méthode statistique afin d’identifier les caractéristiques pertinentes sous l’angle thérapeutique. Elle doit permettre de trouver les facteurs qui influencent l’efficacité d’une thérapie dans une masse confuse de données.

Données réanalysées

«Notre méthode cherche à découvrir par ses propres moyens de tels modificateurs d’effet», explique Simon Foster, collaborateur scientifique au sein du groupe. Dans les procédures statistiques traditionnelles, il faut avoir une idée des facteurs qui pourraient influencer la réussite de la thérapie. Or, d’une certaine manière, ils doivent être sélectionnés à la main. La nouvelle méthode recherche elle-même ces facteurs d’influence à l’aide d’algorithmes utilisant une technique d’apprentissage automatique dénommée «forêts d'arbres décisionnels ». Le programme identifie ainsi des facteurs inédits ainsi que des combinaisons de facteurs.

L’algorithme a exploré les données réunies dans le cadre d’une enquête menée sur plus de 300 adolescents dépressifs, qui avait déjà montré en 2007 que la combinaison de l’antidépresseur fluoxetine et d’une thérapie cognitive et comportementale leur était davantage bénéfique qu’un seul des deux traitements. Serait-il possible que certains s’en sortent mieux avec une simple thérapie comportementale – par exemple parce que leur corps ne supporte pas la fluoxetine?

Apparemment non, selon les nouveaux résultats obtenus. Les arbres aléatoires ont bien mis en évidence certaines fluctuations: l’âge, le revenu familial, l’existence d’autres maladies ou encore la durée des épisodes dépressifs ont plus ou moins d’influence sur l’efficacité de la thérapie. Toutefois, c’est la combinaison des deux traitements qui a apporté la plus grande aide à l’ensemble des patients. «Ce n’est pas vraiment le résultat qu’on pouvait espérer du point de vue de la médecine personnalisée », reconnaît Simon Foster.

«Il s’agit d’une étude passionnante et très novatrice, lance Katharina Schultebraucks, de l’Université de New-York, qui emploie des méthodes analogues. L’apprentissage automatique représente un grand potentiel pour la médecine personnalisée.» Il nécessite toutefois une nouvelle forme de planification des études. Jusqu’à présent, on comparait des groupes les plus similaires possibles – à l’exception d’un facteur, le fait de suivre ou non une thérapie. Avec l’apprentissage automatique, c’est le contraire: on obtient de meilleurs résultats avec de nombreuses données aussi hétérogènes que la réalité clinique, explique la chercheuse.

L’apprentissage automatique offre une grande chance de découvrir de nouvelles corrélations entre les facteurs qui influencent la dépression, pointe Katharina Schultebraucks, qui dit s’attendre à des très grands progrès. Cette étude représente une importante contribution en ce sens, mais les données disponibles aujourd’hui sont «encore bien trop maigres». Les institutions devraient collaborer et les promoteurs de la recherche s’engager sur de nouvelles voies si l’on veut pouvoir réaliser les coûteuses études prospectives réunissant un nombre suffisant de patients. On disposerait alors des bases de données nécessaires pour qu’une médecine plus personnalisée puisse devenir réalité.