L’éducation permet de surmonter les obstacles générés par un handicap, dit Alireza Darvishy. | Image: Valérie Chételat

Professeur d’informatique à la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW), Alireza Darvishy étudie l’utilisation des outils informatiques pour aider les personnes âgées ou en situation de handicap. Un projet mené pour une banque suisse a débouché sur les premiers distributeurs de billets parlants pour malvoyants. Il a reçu en 2016 le Prix Unesco pour l’autonomisation des personnes handicapées par les technologies numériques.

Comment vos étudiants réagissent-ils à votre handicap de la vue?

Je leur en parle lors du premier cours et leur demande de se manifester de manière sonore lorsqu’ils veulent poser une question. Imaginez-vous: un professeur dans sa salle de cours qui ne voit presque pas ses étudiants, et qui rigole parfois. C’est une situation qu’ils arrivent très bien à gérer!

Qui vous a soutenu?

Mes parents m’ont encouragé à ne pas renoncer à mes ambitions après l’accident, survenu alors que j’étais gymnasien en Iran, mon pays d’origine. Ma mère m’a aidé à étudier chaque soir. Je suis ensuite venu en Suisse à l’âge de 18 ans, seul. J’ai d’abord appris l’allemand puis obtenu la maturité suisse avant de débuter des études à Zurich.

Est-ce que vous avez bénéficié d’un soutien institutionnel en Suisse?

Non, à l’époque je n’ai pas attendu des prestations d’assurance en tant qu’étranger. J’ai néanmoins fait la connaissance de nombreux étudiants qui ont spontanément lu et enregistré des manuels de cours sur cassettes. Je portais constamment sur moi un enregistreur, et presque tous les enseignants ont accepté que je consigne ainsi leurs cours.

«L’éducation permet de surmonter les obstacles.»

Comment voyez-vous la Suisse aujourd’hui en termes d’accessibilité à l’ensemble des offres publiques?

Le pays est devenu plus ouvert grâce à des réseaux internationaux et à un nouveau cadre légal. La Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées a été ratifiée par la Suisse en 2014. Mais les choses ne sont pas encore telles qu’elles devraient l’être.

Où voyez-vous les plus grandes lacunes?

Le plus gros handicap se trouve dans les têtes. La législation et la technologie ne font pas tout. Les Européens tendent au perfectionnisme. Mais nous sommes par nature loin d’être parfaits. Les personnes souffrant d’un handicap veulent participer à la vie sociale et préserver leur dignité.

Quelles sont vos propositions?

Notre projet de recherche «Enseigner et être chercheur à  l’université – sans obstacle!» élabore un guide contenant des recommandations destinées aux hautes écoles afin d’offrir les mêmes chances aux scientifiques et enseignants en situation de handicap. Un site Internet rassemblera des informations, des blogs de personnes concernées ainsi qu’une plateforme de mise en relation, qui proposera par exemple des accompagnateurs lors d’un congrès. Le projet veut supprimer encore d’autres difficultés.

Quels obstacles rencontrez-vous concrètement au quotidien?

Ce sont de petites tâches qui s’avèrent difficiles, comme enclencher un vidéoprojecteur dans un auditoire… Une technologie pourrait être développée pour cela. Pourquoi pas une commande vocale? Car je ne peux sans cesse demander de l’aide à mes collaborateurs. Rechercher l’autonomie et aspirer à la normalité, cela prend beaucoup d’énergie et érode souvent la dignité. Malgré ces obstacles, j’encourage les personnes en situation de handicap à poursuivre une carrière académique. Car l’éducation permet de surmonter les obstacles, désamorce le rôle de victime et abolit la discrimination. Avec la technologie, elle est nécessaire pour accueillir tout le monde sans marginaliser qui que ce soit.

Franca Siegfried est collaboratrice scientifique aux Académies suisses des sciences.