Opinion
La recherche fondamentale est un bien public
Sans une science motivée par la curiosité pure, la source des développements dans le secteur privé se tarit également, dit Laura Bernardi du Fonds national suisse.

Laura Bernardi est vice-présidente du Conseil de la recherche du FNS. | Photo: Université de Lausanne
Sous la pression sociale et géopolitique, nombreux sont ceux qui se demandent si nos ressources limitées doivent soutenir la recherche guidée par la curiosité ou être principalement redirigées vers la recherche appliquée. Une question légitime, qui nous pousse à considérer pourquoi la recherche fondamentale publique est irremplaçable, précisément dans un monde en rapide mutation.
- Les découvertes, par nature, sont tributaires de la recherche fondamentale, car les avancées scientifiques sont rarement linéaires et difficiles à planifier. Elles émergent d’un réseau complexe de questions pouvant paraître inutiles au départ. Le laser – jadis «une solution à la recherche d’un problème» – est aujourd’hui au cœur des télécommunications et de la médecine. Nous devons financer la science de manière stable, en croyant à la forte probabilité de découvertes majeures à venir.
- La prospérité a besoin de recherche fondamentale. Les pays qui investissent massivement dans la recherche et développement et avec le plus de scientifiques par habitant sont ceux qui innovent davantage et connaissent une croissance robuste. Les données montrent qu’un financement stable rapporte davantage qu’il ne coûte.
- La recherche fondamentale développe les aptitudes de la prochaine génération à faire face à l’imprévisible. Elle ne produit pas que des connaissances, mais permet aussi de développer et transmettre des méthodes fiables. Les jeunes scientifiques apprennent la créativité et la rigueur du raisonnement. Le retour sur investissement dépasse largement le monde académique pour toucher l’industrie ou encore le secteur public.
- Ces bénéfices ne profitent pas à un investisseur privé mais à toute la société, parfois des décennies plus tard et souvent dans des domaines d’application tout autres. Cet horizon à long terme retient des entreprises privées d’investir de gros montants dans des projets sans application immédiate. Leur rôle apparaît en aval, dans le développement. Mais sans le pipeline des découvertes fondamentales en amont, c’est leur source qui s’assèche. Internet, le GPS et les vaccins à ARNm ont vu le jour grâce à des recherches motivées par la curiosité et financées par des fonds publics. La société entière en a grandement bénéficié.
Une réduction des fonds publics consacrés à la recherche fondamentale peut contraindre des laboratoires à fermer, faire fuir les talents et réduire à néant des années de progrès. La mission d’institutions telles que le Fonds national suisse est de financer l’excellence dans la recherche fondamentale au moyen d’évaluations compétitives et rigoureuses – et de montrer que cet argent n’est pas gaspillé, mais qu’il génère des connaissances et de la prospérité pour toutes et tous.
