Photo: màd

Ouidit Dominique Foray.

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Nondit Laurent Goetschel.

Actuellement, les dépenses militaires augmentent et des mesures d’économie vont être prises dans le domaine de la recherche civile et de l’innovation. Dans cette situation, nous devrions également voir les opportunités qui s’offrent à nous et saisir cette chance. En d’autres termes, une partie des fonds nouveaux alloués à l’armée devrait être utilisée pour amortir les effets des coupes budgétaires prévues sur la recherche civile et l’innovation.

«Pendant la Guerre froide, les ressources allouées au Département de la défense américain ont considérablement fait avancer la recherche civile.»

Trois raisons plaident en faveur de cette approche. Premièrement, le modèle d’interaction entre la recherche civile et la recherche militaire a prouvé son efficacité dans le passé, et cela au bénéfice des deux domaines. Le meilleur exemple nous est fourni par les Etats-Unis durant la Guerre froide, les ressources allouées au Département de la défense américain ayant alors considérablement fait avancer la recherche et l’innovation civiles. Deuxièmement, ce modèle existe déjà en Suisse. Les relations de recherche entre l’Office fédéral de l’armement (armasuisse) et le secteur des hautes écoles sont déjà nombreuses. Troisièmement, intensifier ces interactions permettrait que les ressources retirées des budgets des institutions du domaine de l’éducation, de la recherche et de l’innovation leur soient reversées par l’intermédiaire de programmes financés par l’armée. Cela vaut en particulier pour les technologies dites à double usage, à savoir celles qui peuvent être utilisées à des fins à la fois militaires et civiles.

Afin qu’un tel modèle soit pleinement efficace, les autorités militaires doivent développer leurs capacités en matière de gestion de la recherche, à l’instar de l’agence américaine Darpa, chargée du financement de la recherche militaire. Aujourd’hui, elles restent encore trop concentrées sur l’acquisition de systèmes d’armes vendus sur catalogue. Les institutions militaires suisses doivent en outre collaborer avec Innosuisse et le FNS afin de développer des programmes de financement qui apportent des solutions gagnant-gagnant.

Dominique Foray est professeur émérite en management de l’innovation à l’EPFL et membre du Conseil suisse de la science.

Lorsque l’Europe a érigé ses premières universités, la recherche servait principalement à légitimer les ordres sociétaux et politiques en vigueur. Les Lumières étaient encore loin. Le développement a cependant évolué rapidement, stimulé par de nouvelles méthodes de recherche et l’émancipation progressive des universités face aux systèmes politiques environnants. Il est désormais prouvé que la plupart des grandes innovations relèvent de la recherche libre. La société profite donc mieux de la science lorsqu’elle la laisse suivre son propre chemin. Cela ne nie en rien le droit de la population à un retour sur investissement. Bien au contraire: l’indépendance des deux systèmes – la recherche et la sphère politique – garantit un bénéfice mutuel maximal.

«Cette proposition remettrait en question un principe éthique fondamental de la recherche: elle ne doit pas causer de souffrances évitables.»

Or, en période de crises politiques, même les évidences sont remises en question. Ainsi, l’idée circule aujourd’hui que, face à la baisse des budgets alloués à la recherche, l’augmentation du budget militaire pourrait servir à combler les lacunes qui en résultent dans le financement des activités de recherche. Outre le fait que seules quelques disciplines en bénéficieraient, cette proposition remet en question un principe éthique fondamental de la recherche: elle ne doit pas causer de souffrances évitables.

L’Université de Bâle, par exemple, interdit toute recherche liée aux armes. Les projets qui servent à la fois des desseins militaires et civils sont soumis à autorisation. Cela garantit également que d’éventuels spin-off militaires n’entravent pas la recherche à usage principalement civil. A cette fin, les responsables doivent prendre des mesures préventives, telles que le libre accès aux résultats, tant militaires que civils. Cela garantit que l’université reste engagée dans la recherche libre. Il faut espérer que cela restera le cas à l’avenir, malgré les pressions budgétaires, y compris dans les écoles polytechniques fédérales.

Laurent Goetschel est professeur en sciences politiques à l’Université de Bâle et directeur de la fondation Swisspeace.

Photo: màd

Ouidit Dominique Foray.

Actuellement, les dépenses militaires augmentent et des mesures d’économie vont être prises dans le domaine de la recherche civile et de l’innovation. Dans cette situation, nous devrions également voir les opportunités qui s’offrent à nous et saisir cette chance. En d’autres termes, une partie des fonds nouveaux alloués à l’armée devrait être utilisée pour amortir les effets des coupes budgétaires prévues sur la recherche civile et l’innovation.

«Pendant la Guerre froide, les ressources allouées au Département de la défense américain ont considérablement fait avancer la recherche civile.»

Trois raisons plaident en faveur de cette approche. Premièrement, le modèle d’interaction entre la recherche civile et la recherche militaire a prouvé son efficacité dans le passé, et cela au bénéfice des deux domaines. Le meilleur exemple nous est fourni par les Etats-Unis durant la Guerre froide, les ressources allouées au Département de la défense américain ayant alors considérablement fait avancer la recherche et l’innovation civiles. Deuxièmement, ce modèle existe déjà en Suisse. Les relations de recherche entre l’Office fédéral de l’armement (armasuisse) et le secteur des hautes écoles sont déjà nombreuses. Troisièmement, intensifier ces interactions permettrait que les ressources retirées des budgets des institutions du domaine de l’éducation, de la recherche et de l’innovation leur soient reversées par l’intermédiaire de programmes financés par l’armée. Cela vaut en particulier pour les technologies dites à double usage, à savoir celles qui peuvent être utilisées à des fins à la fois militaires et civiles.

Afin qu’un tel modèle soit pleinement efficace, les autorités militaires doivent développer leurs capacités en matière de gestion de la recherche, à l’instar de l’agence américaine Darpa, chargée du financement de la recherche militaire. Aujourd’hui, elles restent encore trop concentrées sur l’acquisition de systèmes d’armes vendus sur catalogue. Les institutions militaires suisses doivent en outre collaborer avec Innosuisse et le FNS afin de développer des programmes de financement qui apportent des solutions gagnant-gagnant.

Dominique Foray est professeur émérite en management de l’innovation à l’EPFL et membre du Conseil suisse de la science.

 


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Nondit Laurent Goetschel.

Lorsque l’Europe a érigé ses premières universités, la recherche servait principalement à légitimer les ordres sociétaux et politiques en vigueur. Les Lumières étaient encore loin. Le développement a cependant évolué rapidement, stimulé par de nouvelles méthodes de recherche et l’émancipation progressive des universités face aux systèmes politiques environnants. Il est désormais prouvé que la plupart des grandes innovations relèvent de la recherche libre. La société profite donc mieux de la science lorsqu’elle la laisse suivre son propre chemin. Cela ne nie en rien le droit de la population à un retour sur investissement. Bien au contraire: l’indépendance des deux systèmes – la recherche et la sphère politique – garantit un bénéfice mutuel maximal.

«Cette proposition remettrait en question un principe éthique fondamental de la recherche: elle ne doit pas causer de souffrances évitables.»

Or, en période de crises politiques, même les évidences sont remises en question. Ainsi, l’idée circule aujourd’hui que, face à la baisse des budgets alloués à la recherche, l’augmentation du budget militaire pourrait servir à combler les lacunes qui en résultent dans le financement des activités de recherche. Outre le fait que seules quelques disciplines en bénéficieraient, cette proposition remet en question un principe éthique fondamental de la recherche: elle ne doit pas causer de souffrances évitables.

L’Université de Bâle, par exemple, interdit toute recherche liée aux armes. Les projets qui servent à la fois des desseins militaires et civils sont soumis à autorisation. Cela garantit également que d’éventuels spin-off militaires n’entravent pas la recherche à usage principalement civil. A cette fin, les responsables doivent prendre des mesures préventives, telles que le libre accès aux résultats, tant militaires que civils. Cela garantit que l’université reste engagée dans la recherche libre. Il faut espérer que cela restera le cas à l’avenir, malgré les pressions budgétaires, y compris dans les écoles polytechniques fédérales.

Laurent Goetschel est professeur en sciences politiques à l’Université de Bâle et directeur de la fondation Swisspeace.