Photo: màd

Ouidit Laurent Bächler.

Photo: màd

Nondit Mirco Schmolke.

La recherche virologique a connu d’indéniables succès. Des vaccins contre la polio, la rougeole et – en un temps record – contre le Covid-19 ont sauvé des millions de vies. Des percées impossibles sans le dévouement de scientifiques qui manipulent des agents pathogènes dangereux en laboratoire de haute sécurité. Mais la recherche qui sauve des vies peut simultanément en menacer d’autres. Entre 2000 et 2021, huit décès et plus de 300 infections de laboratoire avec 51 agents pathogènes différents ont été documentés à l’échelle mondiale. Et, faute de statistique systématique, beaucoup de ces accidents ne sont pas recensés. Certaines expériences de «gain de fonction», qui visent à rendre des virus plus virulents encore, sont particulièrement inquiétantes. Et on ignore si le variant le plus menaçant apparaîtra un jour dans la nature, alors que ce risque très élevé existe toujours. La dissémination d’un tel virus de la grippe pourrait tuer entre 2 millions et 1,4 milliard de personnes, selon Marc Lipsitch, professeur à Harvard.

«La recherche qui sauve des vies peut aussi en mettre en péril.»

Avec la biologie synthétique et l’IA, la biotechnologie devient de l’ingénierie. Même des virus éradiqués tel celui de la variole peuvent être reconstitués, selon l’OMS. En parallèle, il arrive que des laboratoires de haute sécurité ne soient pas contrôlés pendant des années en Suisse. Les autorités cantonales effectuent un travail considérable à cette fin, mais manquent souvent de ressources. Que faire? Premièrement: des cours obligatoires pour tous les responsables de la biosécurité. Deuxièmement: un système de notification sans sanctions et assorti de statistiques transparentes, comme au Canada. Troisièmement: un service national indépendant d’inspection de la biosécurité, comme dans le domaine nucléaire. Ces mesures, qui existent déjà dans d’autres domaines à risque, donnent confiance dans la recherche virale. Le personnel de l’aéroport de Zurich fait ainsi l’objet d’un contrôle de fiabilité.

Sécurité et recherche ne sont pas contradictoires. Pourquoi troquer la sécurité contre les progrès de la recherche alors que les deux vont de pair? Un seul accident peut détruire la confiance et empêcher de futurs succès de la recherche virale.

Laurent Bächler est responsable du programme de biosécurité du think tank Pour Demain. Il met à disposition des propositions basées sur des preuves pour une société résiliente, à la croisée des chemins entre science et politique.

Les débats parfois très simplifiés et polarisés – par exemple sur les expériences de gain de fonction – donnent vite l’impression que les virologues travaillent sans trop de discernement avec des agents pathogènes très virulents en cherchant à les rendre plus dangereux encore. Or, ces expériences sont précieuses pour la recherche au quotidien. Elles fournissent par exemple des connaissances sur l’effet pathogène de virus rendus artificiellement résistants aux médicaments. «Comment un virus s’adapte-t-il à un nouvel hôte et, le cas échéant, sera-t-il alors toujours aussi dangereux?» constitue une question importante au début d’une nouvelle pandémie. Des expériences réalisées avec des agents pathogènes moins dangereux – au comportement souvent différent – et des modèles informatiques ne fournissent que des réponses partielles.

«La recherche virologique ne se fait pas comme au Far West.»

Cela ne signifie évidemment pas que la recherche virologique se fait comme au Far West. En Suisse, les travaux de recherche sur des agents hautement pathogènes sont soumis à une autorisation, délivrée après une évaluation approfondie des risques par un groupe indépendant d’experts et d’expertes. La procédure est centralisée au niveau national, permettant l’harmonisation des normes de sécurité dans toute la Suisse – un avantage par rapport à des comités de biosécurité internes aux institutions, comme aux Etats-Unis. Une évaluation détaillée des risques est exigée dès la demande d’autorisation. Les laboratoires doivent être équipés et standardiser les procédures afin de minimiser le risque de dissémination accidentelle ou d’infection du personnel. Les éléments liés à la sécurité d’un laboratoire de haute sécurité font l’objet de contrôles indépendants réguliers. Par exemple de la filtration de l’air ou des stérilisateurs pour traiter les déchets.

Le personnel de laboratoire suit une formation supervisée avant d’être autorisé à mener des expériences de manière autonome et bénéficie régulièrement de formations continues. J’en suis convaincu: le cadre réglementaire et la surveillance combinée par la Confédération, les cantons et les exploitants permettent une recherche sûre. Une recherche qui, au final, sert à la sécurité de la population.

Mirco Schmolke est professeur de virologie à l’Université de Genève. Il a travaillé sur des virus hautement pathogènes en Suisse, en Allemagne et aux Etats-Unis.

Photo: màd

Ouidit Laurent Bächler.

La recherche virologique a connu d’indéniables succès. Des vaccins contre la polio, la rougeole et – en un temps record – contre le Covid-19 ont sauvé des millions de vies. Des percées impossibles sans le dévouement de scientifiques qui manipulent des agents pathogènes dangereux en laboratoire de haute sécurité. Mais la recherche qui sauve des vies peut simultanément en menacer d’autres. Entre 2000 et 2021, huit décès et plus de 300 infections de laboratoire avec 51 agents pathogènes différents ont été documentés à l’échelle mondiale. Et, faute de statistique systématique, beaucoup de ces accidents ne sont pas recensés. Certaines expériences de «gain de fonction», qui visent à rendre des virus plus virulents encore, sont particulièrement inquiétantes. Et on ignore si le variant le plus menaçant apparaîtra un jour dans la nature, alors que ce risque très élevé existe toujours. La dissémination d’un tel virus de la grippe pourrait tuer entre 2 millions et 1,4 milliard de personnes, selon Marc Lipsitch, professeur à Harvard.

«La recherche qui sauve des vies peut aussi en mettre en péril.»

Avec la biologie synthétique et l’IA, la biotechnologie devient de l’ingénierie. Même des virus éradiqués tel celui de la variole peuvent être reconstitués, selon l’OMS. En parallèle, il arrive que des laboratoires de haute sécurité ne soient pas contrôlés pendant des années en Suisse. Les autorités cantonales effectuent un travail considérable à cette fin, mais manquent souvent de ressources. Que faire? Premièrement: des cours obligatoires pour tous les responsables de la biosécurité. Deuxièmement: un système de notification sans sanctions et assorti de statistiques transparentes, comme au Canada. Troisièmement: un service national indépendant d’inspection de la biosécurité, comme dans le domaine nucléaire. Ces mesures, qui existent déjà dans d’autres domaines à risque, donnent confiance dans la recherche virale. Le personnel de l’aéroport de Zurich fait ainsi l’objet d’un contrôle de fiabilité.

Sécurité et recherche ne sont pas contradictoires. Pourquoi troquer la sécurité contre les progrès de la recherche alors que les deux vont de pair? Un seul accident peut détruire la confiance et empêcher de futurs succès de la recherche virale.

Laurent Bächler est responsable du programme de biosécurité du think tank Pour Demain. Il met à disposition des propositions basées sur des preuves pour une société résiliente, à la croisée des chemins entre science et politique.

 


Photo: màd

Nondit Mirco Schmolke.

Les débats parfois très simplifiés et polarisés – par exemple sur les expériences de gain de fonction – donnent vite l’impression que les virologues travaillent sans trop de discernement avec des agents pathogènes très virulents en cherchant à les rendre plus dangereux encore. Or, ces expériences sont précieuses pour la recherche au quotidien. Elles fournissent par exemple des connaissances sur l’effet pathogène de virus rendus artificiellement résistants aux médicaments. «Comment un virus s’adapte-t-il à un nouvel hôte et, le cas échéant, sera-t-il alors toujours aussi dangereux?» constitue une question importante au début d’une nouvelle pandémie. Des expériences réalisées avec des agents pathogènes moins dangereux – au comportement souvent différent – et des modèles informatiques ne fournissent que des réponses partielles.

«La recherche virologique ne se fait pas comme au Far West.»

Cela ne signifie évidemment pas que la recherche virologique se fait comme au Far West. En Suisse, les travaux de recherche sur des agents hautement pathogènes sont soumis à une autorisation, délivrée après une évaluation approfondie des risques par un groupe indépendant d’experts et d’expertes. La procédure est centralisée au niveau national, permettant l’harmonisation des normes de sécurité dans toute la Suisse – un avantage par rapport à des comités de biosécurité internes aux institutions, comme aux Etats-Unis. Une évaluation détaillée des risques est exigée dès la demande d’autorisation. Les laboratoires doivent être équipés et standardiser les procédures afin de minimiser le risque de dissémination accidentelle ou d’infection du personnel. Les éléments liés à la sécurité d’un laboratoire de haute sécurité font l’objet de contrôles indépendants réguliers. Par exemple de la filtration de l’air ou des stérilisateurs pour traiter les déchets.

Le personnel de laboratoire suit une formation supervisée avant d’être autorisé à mener des expériences de manière autonome et bénéficie régulièrement de formations continues. J’en suis convaincu: le cadre réglementaire et la surveillance combinée par la Confédération, les cantons et les exploitants permettent une recherche sûre. Une recherche qui, au final, sert à la sécurité de la population.

Mirco Schmolke est professeur de virologie à l’Université de Genève. Il a travaillé sur des virus hautement pathogènes en Suisse, en Allemagne et aux Etats-Unis.