Finie, l’harmonie: certains litiges d’un divorce seraient mieux réglés par un arbitrage.  | Photo: Peter Dazeley/Getty Images

Avec son siège lausannois et ses décisions médiatisées, le Tribunal arbitral du sport aura sans doute éveillé la curiosité des Suisses. Mais la justice arbitrale ne s’arrête pas au domaine sportif. Dommages et intérêts, conflits de voisinage, commerce international… Elle permet de régler les litiges autrement, hors des tribunaux étatiques.

Dans les pays anglo-saxons, on y recourt aussi pour résoudre les conflits familiaux – pensions alimentaires, répartition des biens, voire garde parentale. En Suisse, c’est beaucoup plus rare. Quelles limites le cadre légal helvétique fixe-t-il à l’arbitrage familial, notamment pour les questions qui concernent les enfants et le divorce? Clara Wack, doctorante en droit à l’Université de Fribourg, veut répondre à ces questions dans le cadre de sa thèse.

«Mon but est de comprendre quelle place le droit suisse donne à la procédure d’arbitrage.»Clara Wack

La justice arbitrale repose sur un accord entre les parties: au lieu de confier la résolution de leur conflit à un juge, elles font appel à un arbitre. Ce choix garantit une certaine confidentialité. Il favorise généralement un dénouement plus rapide que la voie judiciaire. Les parties s’engagent à respecter la décision rendue, qui est contraignante comme un verdict classique.

«Cet aspect contraignant constitue la principale différence avec la médiation, souvent utilisée en Suisse dans les conflits familiaux», explique Clara Wack.

Comprendre la place de l’arbitrage en Suisse

La justice arbitrale est reconnue dans les 159 nations signataires de la Convention de New York. Mais le type d’affaires qui peuvent être soumises à l’arbitrage varie selon les pays. En Suisse, on considère généralement que les affaires parentales – par exemple la garde ou le droit de visite – ne peuvent pas être soustraites à la compétence d’un juge traditionnel.

Ce qui peut entrer dans le cadre de l’arbitrage familial s’inscrit au cœur des travaux de Clara Wack. Certaines questions sont relativement simples à trancher, d’autres plus complexes. Par exemple quand il s’agit de répartir entre les époux les biens acquis pendant le mariage: «Actuellement, les auteurs tendent à interpréter ces litiges comme librement disponibles, c’est-à-dire réglables sans la supervision d’un juge. Mais la question reste controversée. Pour les pensions, c’est encore plus débattu.» Avec sa thèse, Clara Wack ne cherche pas à promouvoir l’arbitrage dans les conflits familiaux, mais à comprendre, techniquement, quelle place lui laisse le droit suisse.

«S’il doit y avoir arbitrage, le danger existe que la procédure ne respecte pas les contraintes légales.»Laura Bernardi
Voie avantageuse mais pas sans danger

L’arbitrage présente certes des avantages par rapport à la voie judiciaire classique: rapidité, flexibilité et discrétion, entre autres. De plus, les décisions sont souvent plus simples à faire appliquer à l’international. «Dans le domaine des conflits familiaux, cela me semble sans doute l’un des points les plus intéressants», explique Clara Wack.

Mais Laura Bernardi, sociologue à l’Université de Lausanne et experte des questions familiales, rappelle aussi que l’important reste avant tout d’éviter les différends. En l’absence de litige, il existe d’ailleurs des alternatives à la voie judiciaire. «Le Valais a récemment introduit le concept de consensus parental. C’est une sorte de médiation élargie, lancée d’emblée avec les juges, les travailleurs sociaux, les médiateurs et les psychologues. Pour la grande majorité des cas, cette procédure a permis de trouver un accord dès la première séance.»

Selon Laura Bernardi, les procédures judiciaires actuelles exacerbent souvent les conflits parentaux. C’est pourquoi elle est favorable à certaines évolutions. «Mais s’il doit y avoir arbitrage, le danger existe que la procédure ne respecte pas les contraintes légales posées par l’Etat. A la fin, il faudra toujours prendre garde à ce que l’intérêt des parents ne l’emporte pas sur celui des enfants.».