Photo: màd

Ouirépond Markus Wild

Photo: màd

Nonrépond Peter Schaber
Un aigle nous paraît digne, un canard nettement moins. Pourtant, la dignité des animaux ne porte pas sur leur apparence, mais sur ce qui vit à l’intérieur de ces êtres vivants. Ce quelque chose, la loi fédérale sur la protection des animaux le qualifie à juste titre de «valeur propre de l’animal». En d’autres termes, cela signifie que les animaux n’ont pas de valeur seulement pour nous, mais aussi pour eux -mêmes. Un animal a une valeur propre, car il peut vivre sa vie, faire l’expérience de son environnement par ses propres moyens, chercher ce qui lui plaît et éviter ce qui le rebute.

«Les animaux n’ont pas de valeur seulement pour nous, mais aussi pour eux-mêmes.»

Un être humain est blessé dans sa dignité quand il est rabaissé ou humilié. Les animaux, eux, sont brisés et ne peuvent plus apprécier leur environnement à leur manière. Les chevaux sont un exemple de volonté brisée, au même titre que les lévriers galgos espagnols, des animaux sensibles utilisés pour la chasse à courre et les courses. Soumis à un entraînement impitoyable, détenus dans des conditions inappropriées, éliminés quand ils ne servent plus, les galgos vivent dominés par la peur et privés pour toujours de leurs aptitudes. Prisonniers de leur corps manipulé trop gras, enfermés, engraissés, fécondés artificiellement et castrés, transportés et abattus, les porcs destinés à la production de viande souffrent également. Leur vie entière est brisée.

Toujours selon la loi, la dignité des animaux peut être évaluée. C’est problématique, mais partons du principe que c’est possible. Dans le domaine de la recherche, l’utilisation des animaux doit être justifiée et leur dignité protégée. Les expérimentations animales doivent être remplacées, leur nombre réduit et les moyens utilisés raffinés.

Ce principe des 3R devrait aussi être appliqué aux animaux de rente, qui sont systématiquement atteints dans leur dignité. Si les souffrances qui leur sont infligées sont problématiques, l’instrumentalisation totale de leur existence, la limitation de leurs capacités, le fait que nous les privions de leur vie et que nous les brisions le sont tout autant. Les animaux de rente peuvent aussi être remplacés, leur nombre diminué et leur détention améliorée. Les atteintes à leur dignité constituent un scandale moral et une idiotie: la crise climatique et les pandémies le prouvent.

Markus Wild est professeur de philosophie théorique à l’Université de Bâle. Ses recherches portent sur l’éthique animale, la conscience et l’histoire de la philosophie.

Contrairement à ce que la Constitution et la loi sur la protection des animaux prévoient, on ne devrait pas reconnaître une dignité aux animaux. Non pas parce qu’ils sont moralement sans importance et peuvent être traités sans égard, mais parce qu’on leur attribuerait ainsi un statut moral qu’ils n’ont pas.

«Si les animaux avaient une dignité, ils ne pourraient pas être détenus à des « fins utilitaires.»

Ont une dignité les êtres vivants qui peuvent être humiliés et avilis. Pour cela, ils doivent être en mesure de se respecter eux-mêmes et de se comprendre comme des êtres méritant le respect d’autrui. Les animaux n’en sont pas capables, pas même ceux qui, comme les grands singes, ont une conscience d’eux-mêmes. L’estime personnelle implique de comprendre ce que les autres nous doivent, de se comprendre comme un être qui peut faire valoir des prétentions auprès des autres.

On pourrait simplement percevoir différemment la dignité que la loi attribue aux animaux de celle des humains. Cependant, même si la démarche semble correcte, pourquoi utiliser le même terme? Le problème réside dans le fait que la dignité implique des exigences normatives que les animaux n’ont pas: la dignité humaine ne doit pas simplement être respectée, comme le prescrit la Constitution. Elle est inviolable. La dignité des animaux, par contre, peut être placée dans la balance face à d’autres valeurs, comme le prévoit la loi sur la protection des animaux. Si les animaux avaient une dignité, ils ne pourraient pas être détenus à des fins utilitaires, pas même de manière respectueuse de l’espèce. Un garde-chasse ne serait pas autorisé à les abattre s’ils sont malades et blessés, et encore moins pour le contrôle de leur population.

Pour la considération morale des animaux telle qu’elle est exigée, il conviendrait par conséquent d’utiliser un autre terme que «dignité», un mot qui tiendrait mieux compte de leur statut moral. Il faudrait peut-être même utiliser différentes expressions pour différents animaux. On n’accorde sans doute pas une importance identique aux grands primates qu’aux fourmis ou aux moustiques.

Peter Schaber est professeur d’éthique appliquée à l’Université de Zurich et s’intéresse à des thèmes tels que le suicide assisté, le consentement et l’instrumentalisation.

Photo: màd

Ouirépond Markus Wild

Un aigle nous paraît digne, un canard nettement moins. Pourtant, la dignité des animaux ne porte pas sur leur apparence, mais sur ce qui vit à l’intérieur de ces êtres vivants. Ce quelque chose, la loi fédérale sur la protection des animaux le qualifie à juste titre de «valeur propre de l’animal». En d’autres termes, cela signifie que les animaux n’ont pas de valeur seulement pour nous, mais aussi pour eux -mêmes. Un animal a une valeur propre, car il peut vivre sa vie, faire l’expérience de son environnement par ses propres moyens, chercher ce qui lui plaît et éviter ce qui le rebute.

«Les animaux n’ont pas de valeur seulement pour nous, mais aussi pour eux-mêmes.»

Un être humain est blessé dans sa dignité quand il est rabaissé ou humilié. Les animaux, eux, sont brisés et ne peuvent plus apprécier leur environnement à leur manière. Les chevaux sont un exemple de volonté brisée, au même titre que les lévriers galgos espagnols, des animaux sensibles utilisés pour la chasse à courre et les courses. Soumis à un entraînement impitoyable, détenus dans des conditions inappropriées, éliminés quand ils ne servent plus, les galgos vivent dominés par la peur et privés pour toujours de leurs aptitudes. Prisonniers de leur corps manipulé trop gras, enfermés, engraissés, fécondés artificiellement et castrés, transportés et abattus, les porcs destinés à la production de viande souffrent également. Leur vie entière est brisée.

Toujours selon la loi, la dignité des animaux peut être évaluée. C’est problématique, mais partons du principe que c’est possible. Dans le domaine de la recherche, l’utilisation des animaux doit être justifiée et leur dignité protégée. Les expérimentations animales doivent être remplacées, leur nombre réduit et les moyens utilisés raffinés.

Ce principe des 3R devrait aussi être appliqué aux animaux de rente, qui sont systématiquement atteints dans leur dignité. Si les souffrances qui leur sont infligées sont problématiques, l’instrumentalisation totale de leur existence, la limitation de leurs capacités, le fait que nous les privions de leur vie et que nous les brisions le sont tout autant. Les animaux de rente peuvent aussi être remplacés, leur nombre diminué et leur détention améliorée. Les atteintes à leur dignité constituent un scandale moral et une idiotie: la crise climatique et les pandémies le prouvent.

Markus Wild est professeur de philosophie théorique à l’Université de Bâle. Ses recherches portent sur l’éthique animale, la conscience et l’histoire de la philosophie.

 


Photo: zVg

Nonrépond Peter Schaber

Contrairement à ce que la Constitution et la loi sur la protection des animaux prévoient, on ne devrait pas reconnaître une dignité aux animaux. Non pas parce qu’ils sont moralement sans importance et peuvent être traités sans égard, mais parce qu’on leur attribuerait ainsi un statut moral qu’ils n’ont pas.

«Si les animaux avaient une dignité, ils ne pourraient pas être détenus à des « ns utilitaires.»

Ont une dignité les êtres vivants qui peuvent être humiliés et avilis. Pour cela, ils doivent être en mesure de se respecter eux-mêmes et de se comprendre comme des êtres méritant le respect d’autrui. Les animaux n’en sont pas capables, pas même ceux qui, comme les grands singes, ont une conscience d’eux-mêmes. L’estime personnelle implique de comprendre ce que les autres nous doivent, de se comprendre comme un être qui peut faire valoir des prétentions auprès des autres.

On pourrait simplement percevoir différemment la dignité que la loi attribue aux animaux de celle des humains. Cependant, même si la démarche semble correcte, pourquoi utiliser le même terme? Le problème réside dans le fait que la dignité implique des exigences normatives que les animaux n’ont pas: la dignité humaine ne doit pas simplement être respectée, comme le prescrit la Constitution. Elle est inviolable. La dignité des animaux, par contre, peut être placée dans la balance face à d’autres valeurs, comme le prévoit la loi sur la protection des animaux. Si les animaux avaient une dignité, ils ne pourraient pas être détenus à des fins utilitaires, pas même de manière respectueuse de l’espèce. Un garde-chasse ne serait pas autorisé à les abattre s’ils sont malades et blessés, et encore moins pour le contrôle de leur population.

Pour la considération morale des animaux telle qu’elle est exigée, il conviendrait par conséquent d’utiliser un autre terme que «dignité», un mot qui tiendrait mieux compte de leur statut moral. Il faudrait peut-être même utiliser différentes expressions pour différents animaux. On n’accorde sans doute pas une importance identique aux grands primates qu’aux fourmis ou aux moustiques.

Peter Schaber est professeur d’éthique appliquée à l’Université de Zurich et s’intéresse à des thèmes tels que le suicide assisté, le consentement et l’instrumentalisation.