«Nous voulons être incontournables.»
Avec son think tank Reatch, Servan Grüninger fait souffler un vent nouveau sur la politique de la science.
Reatch signifie «Research and Technology in Switzerland». Que faites-vous exactement?
Nous fonctionnons comme laboratoire d’idées pour les scientifiques et la société. D’une part, nous armons les jeunes chercheurs d’outils nécessaires pour participer à la construction de la société. D’autre part, nous partageons les idées innovantes de la science et de la technique avec le grand public et le politique. Nos racines sont clairement ancrées dans le monde analogique. Nous avons commencé il y a quatre ans avec des rencontres face-to-face, mais préparons désormais également du contenu en ligne.
Comment est né ce projet?
Je rumine depuis le début de mes études l’idée que les scientifiques doivent participer à la démocratie directe et communiquer de manière proactive. Cela m’a dérangé de voir de nombreux universitaires traiter le peuple de stupide après l’acceptation de l’initiative sur l’immigration de masse. J’ai abordé le sujet avec des collègues et nous avons fondé l’association peu après, avec dix autres personnes.
Comment Reatch a-t-il pu acquérir une bonne notoriété en quatre ans?
C’est un effort d’équipe. Un important engagement et l’envie d’expérimenter en se concentrant sur des contenus solides étaient à la base de notre démarche, et ils le restent. Dans les villes universitaires de Zurich, Bâle et Berne, de nombreuses personnes ont lancé leur propre projet et organisé des événements d’information et de discussion. Nos thèmes jouent aussi un rôle: monde numérique, santé, ressources, mais aussi culture contemporaine et science responsable. Sur ce genre de thèmes, nous voulons être incontournables.
Vos principaux succès?
Nos formats contribuent à enrichir la discussion et à enthousiasmer les gens. Nous remplissons ainsi des salles entières. Nous voyons aussi que nos contenus sont bien accueillis par les décideurs. En revanche, nous n’avons pas encore de succès avec le financement à long terme. Nous vivons de cotisations, de dons, de l’aide de fondations et travaillons actuellement à élargir notre socle de financement.
Qu’est-ce qui vous distingue d’associations officielles telles que la Junge Akademie en Allemagne?
En vérité, pas grand-chose. Nous nous sommes inspirés du think tank helvétique Foraus, mais nous nous rapprochons de plus en plus du modèle de la Junge Akademie. Nous resterons cependant toujours plus proches des questions sociopolitiques. Et avons beaucoup d’estime pour le travail réalisé par les académies traditionnelles en Suisse.
Comment comptez-vous gagner à la fois le respect de la science et du monde politique?
Nous avons montré que cela peut fonctionner. En matière de science, nous nous appuyons sur des recherches et des faits solides. Nous voulons rester critiques envers nous-mêmes et rapidement rendre publiques les erreurs éventuelles et les corriger. Par ailleurs, nous souhaitons montrer que les sciences ne constituent pas un remède miracle pour résoudre les différends politiques. Elles ne peuvent pas répondre toutes seules aux problèmes posés par notre rapport au changement climatique. Pour cela, il faut un débat de société.
This Rutishauser est un journaliste libre installé à Münsingen.