Parc éolien dans le Wyoming. Des simulations montrent que la distance idéale entre éoliennes dans la direction du vent est de huit fois la hauteur du mât. Image: Keystone/Aurora/Chris Noble

Pour l’énergie éolienne, une seule tendance compte: des hélices plus grandes, des parcs plus étendus. Ce sont parfois plus d’un millier d’éoliennes qui s’alignent en rangs interminables, comme dans le Wyoming américain ou à la périphérie du désert de Gobi en Chine. La croissance continue de la capacité a caché le fait que ces parcs géants n’exploitent en général pas toutes leurs capacités, loin de là. Selon la direction du vent, les turbines situées au premier rang provoquent des tourbillons qui font écran aux hélices suivantes et en réduisent les performances. Pour certains experts, les pertes atteindraient jusqu’à 40%. Un chiffre que Michael Lehning, un spécialiste de l’EPFL, juge concevable.

Le potentiel d’amélioration est donc considérable pour les grands parcs, et les scientifiques cherchent des solutions. L’objectif est de concevoir de nouvelles installations optimales et de mieux gérer les parcs déjà construits. Les simulations réalisées par l’équipe de Varun Sharma à l’EPFL livrent des indices sur la manière d’améliorer leur efficacité. Le facteur décisif semble être la distance entre les éoliennes dans la direction d’où vient le vent. Le chercheur a calculé l’espace idéal pour des centrales modèles offshore ou installées sur de vastes étendues. La formule qu’il a trouvée est simple: l’écart devrait être égal à huit fois la hauteur des mâts. En revanche, latéralement, la distance entre les éoliennes joue un rôle moins important.

Des drones dans le parc éolien

Déterminer les turbulences produites par une éolienne et estimer leurs effets sur les autres turbines du parc exige de résoudre des équations de dynamique des fluides. En principe, elles permettent de décrire exactement l’écoulement de l’air en chaque point d’un environnement réel, mais nécessitent une immense puissance de calcul. Même les superordinateurs actuels ne peuvent pas calculer les évolutions au-delà de quelques mètres.

Il faut donc simplifier. L’industrie recourt souvent à des simulations basées sur l’écoulement moyen, ce qui réduit la puissance de calcul nécessaire mais s’avère moins précis. Les scientifiques travaillent depuis longtemps sur des analyses plus fines, qui se limitent toutefois à calculer avec exactitude les structures tourbillonnaires d’envergure. «La simulation des grandes échelles représente un compromis», explique Michael Lehning. La géométrie des turbines est simplifiée et décrit les éoliennes comme des disques qui engendrent des écoulements turbulents. Le parc est divisé en secteurs sur le modèle d’une grille. Des essais en soufflerie rendent possible une meilleure simulation de la structure affinée à l’intérieur de chaque unité.

Afin d’obtenir des résultats encore plus réalistes, Balaji Subramanian a développé à l’ETH Zurich un drone qu’il fait voler dans les parcs éoliens. Différents capteurs aérodynamiques mesurent directement les flux en 3D. Ces données permettent de simplifier les modèles afin de passer à l’étape suivante: simuler les variations de la direction des vents ou les changements de conditions entre le jour et la nuit. Le but est de développer un design idéal pour les grandes centrales en fonction du lieu.

Pour les installations déjà existantes, le problème vient souvent de la différence d’écoulement entre le jour et la nuit. Les grands parcs éoliens modifient la dynamique de l’atmosphère: ils repoussent à une plus haute altitude des vents qui soufflent durant la nuit à une hauteur d’une centaine de mètres. La conséquence est une chute très nette de la performance. Ici aussi, les simulations montrent qu’on peut sérieusement réduire les pertes de rendement si l’on arrête une turbine sur deux de manière ciblée.

Des turbines verticales

Les scientifiques étudient également des éoliennes qui ne tournent pas autour d’un axe horizontal mais vertical. Si ces turbines sont moins efficaces prises individuellement, elles s’avèrent nettement plus performantes sur une surface donnée que les installations classiques, indiquent les simulations de John Dabiri de l’Université de Stanford.

Hubert Filser travaille pour la Süddeutsche Zeitung et pour l’émission Quarks & Co. Il vit à Munich.

V. Sharma et al.: Evolution of flow characteristics through finite-sized wind farms and influence of turbine arrangement. Renewable Energy (2017)